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Commentaire de Gégène

sur Annie Ernaux et la force libératrice de l'écriture : j'écrirai pour venger ma race !


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Gégène Gégène 10 décembre 2022 18:08

@Basile

un vrai littéraire autant que politique : Pablo Neruda, prix en 1971.
Son plus beau poème,

Monte, et nais avec moi, frère

Donne-moi la main, du fond
De ta douleur éparse
Tu ne reviendras pas de l’épaisseur des pierres,
Tu ne reviendras pas du temps souterrain,
Ni ne reviendra ta voix rauque,
Ni ne reviendront tes yeux perforés.
Regarde-moi depuis le fond de la terre
Laboureur, tisserand, pasteur taciturne :
Dompteur des vigognes tutélaires :
Maçon du traître échafaudage :
Porteur d’eau chargé des larmes des Andes :
Joaillier aux doigts broyés :
Semeur tremblant dans sa semence :
Potier répandu dans sa glaise.
Apportez à la coupe de la vie nouvelle
Vos vieilles douleurs ensevelies.
Montrez-moi votre sang votre sillon
Dites-moi : ici, je fus puni
Parce que la gemme fut sans éclat, parce que le sol
Ne donna pas à temps la pierre ou le grain.
Désignez-moi la pierre où vous êtes tombés,
Le bois où vous fûtes crucifiés
Éclairez pour moi les antiques silex,
Les vieilles lampes, les fouets collés
Aux plaies à longueur de siècles
Et les haches brillantes sous le sang.
Moi, je viens parler par votre bouche morte.

Unissez à travers la terre toutes vos
Silencieuses lèvres dispersées
Et depuis votre abîme durant toute
Cette longue nuit, parlez-moi
Comme si j’étais retenu par la même ancre que vous,
Racontez-moi tout, chaîne après chaîne,
Maillon après maillon, pas à pas,
Affilez les couteaux que vous avez conservés
Mettez-les-moi dans la poitrine et dans les mains
Comme fleuve d’éclairs jaunes
Comme fleuve de tigres enterrés
Et laissez-moi pleurer, des heures, des jours, des ans
Des âges aveugles, des siècles sidéraux. .../...


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