Avec la république, on est passé
d’une « éducation libérale », capable de former des individus
faisant progresser les connaissances, à une école émancipatrice
qui, selon Condorcet, devait fournir les citoyens éclairés.
Ensuite, on a attribué à l’institution le soin de préparer les
jeunes à la vie active. Ces trois orientations coexistent, en fait,
à chaque période historique, chacune d’entre elles prenant,
alternativement, l’avantage. Mais toutes se sont développées sur le
mythe de « l’égalité des chances ». En d’autres termes, le
caractère « démocratique » d’une institution scolaire résiderait
dans ses conditions d’accès et de fonctionnement, égales pour tous.
Le problème est beaucoup plus
complexe, et c’est au coeur de la pédagogie elle-même que se situe
l’utopie.
Le premier rôle de l’école est de
procurer à un maximum d’enfants d’une génération les instruments
culturels permettant une insertion réussie dans la société, ce
qu’on appelait autrefois le bagage de « l’honnête homme ». C’est
l’objet de la scolarité obligatoire , et l’institution est tenue à
une obligation de résultat.
Le second rôle de l’école est de
transmettre des connaissances spécifiques, qu’il s’agisse de
formations professionnelles ou plus théoriques. En l’espèce, la
formation résulte d’abord de l’effort de l’étudiant et de sa
détermination à apprendre, et les errements de l’apprentissages
sans efforts sont responsables d’échecs qui ne seront pas que
scolaires dans la vie de l’intéressé.
Dans cette fonction, l’école est «
a-démocratique ». Tocqueville disait déjà, « en n’accordant à
personne de privilège, en donnant à tous d’égales lumières et une
égale indépendance, l’inégalité naturelle se fera bientôt jour
et la richesse passera d’elle-même du côté des plus habiles ».
Le succès scolaire, s’il nécessite,
sans doute, des moyens institutionnels, est surtout le fruit du
milieu familial et du travail de chacun. Tout le reste n’est
qu’illusion pédagogique.