Orgueil et obéissance :
Analité primaire (Green)
20Par ce concept, Green théorise, dans le prolongement de l’hypothèse d’Abraham d’une première phase sadique-anale précoce, une modalité du conflit anal différent de celui qui est en jeu dans le caractère anal névrotique, conflit auquel régresse la névrose obsessionnelle symptomatique. Ce conflit, qui « condense à la fois la régression œdipienne et la butée contre le glissement vers l’oralité » (Green, 2002, p. 132), et qui caractériserait le conflit anal en jeu chez les états limite, aurait plusieurs caractères spécifiques, dont je résume les points forts.
21– Non seulement les processus d’expulsion sont prévalents aux processus de rétention, mais dans ces cas ils débordent de beaucoup la zone érogène anale et envahissent le moi, mettant en crise grave et permanente les limites dedans-dehors, sujet/objet, moi/non-moi. La prévalence de ces processus d’expulsion témoigne de l’infiltration du psychisme par une destructivité diffuse qui n’a pas pu se lier via l’organisation d’une fantasmatique sado-masochisme : « On pourrait s’attendre à voir le sujet s’engager dans des liens sado-masochistes, mais en fait ceux-ci n’ont pas l’intensité qu’on peut trouver ailleurs, car le rapport avec les objets externes est fragile » (ibid., p. 137). Dans cette configuration du conflit anal, marqué par le narcissisme, où « l’amour prend facilement la tournure de la haine, la haine étant le signe d’un lien que rien ne peut dénouer, qui scelle un pacte de fidélité éternelle à l’objet » (ibid., p. 137), nous sommes bien au-delà du sadisme, de l’ambivalence.
22– Les enjeux narcissiques, prévalents, sont au fondement d’une caractéropathie grave dont l’ossature rigide est bétonnée par le conflit obéissance-orgueil. Cette problématique obéissance-orgueil, différente de l’entêtement et de l’obstination de l’analité propre à la névrose obsessionnelle, est le point ultime d’arrêt contre la désorganisation psychique et le chaos. Ces traits de caractères, dont la rigidité défensive est entretenue par le danger d’empiètement psychique induite par la relation d’objet, constituent chez ces sujets dont la vie psychique est sous l’égide de la double angoisse d’abandon/intrusion, « une défense acharnée du territoire subjectif » (ibid., p. 136). Ils sont à la source d’une « opposition anale qui relève d’un négativisme inconscient où il est plus important de dire non à l’objet que oui à soi » (ibid., p. 137). Ce négativisme, qui se manifeste dans le transfert par un agrippement parasitaire à l’objet, se manifeste dans le processus analytique par une stérilisation de l’activité psychique représentative qui paraît bien avoisiner avec un néant psychique dans les cas les plus sévères, (dont le sujet se défend) par le surinvestissement conflictualisé de la pensée » (ibid., p. 146).