@Luc-Laurent Salvador
D’autant plus que si on
compare avec le père, la figure tutélaire de la Trimurti est Shiva, pas Brahma.
Brahma n’a qu’un seul temple en Inde, à Pushkar. Il est peu honoré parmi la
Trimurti, sévèrement concurrencé par Shakti qui a sans doute plus d’évidence en
origine et création du monde que Brahma (mais c’est de la tambouille
hindouiste). Auquel cas, Shiva serait le conatif, l’énergie primale, Brahma/Shakti
l’affectif, l’immanent, puisqu’il créé le monde et les chairs vivantes, Vishnu
le cognitif, puisqu’il faut la compréhension pour préserver le monde créé. On
compare aussi souvent Vishnu, le dieu en bleu, à Jésus et ses
enseignements : c’est lui qui entretient le monde créé, y compris les humains
entre la naissance et la mort.
Peut-être que la Trimurti
est plus centré sur la dynamique du phénomène et la Sainte Trinité sur l’état
des pôles. Jésus, l’incarné, serait du
monde des vivants parmi lesquels il est venu pour leur expliquer comment faire.
Dieu serait du domaine de l’outre-monde et des morts où résident les âmes
apaisées. Le Saint Esprit serait l’intercesseur entre ces mondes, l’agrégateur.
La différence est peut-être le statut du
père : génie démiurge aux effets divers (Shiva), ou papa protecteur (Dieu
judéo-chrétien).
Le trois est une loi (un
outil) puissante de fabrication de phénomènes et concepts. Ce qui ne veut pas
dire que les réalisations sont comparables : je peux faire une cloison ou
un bateau avec un marteau, les usages de ces créations sont différents. Le
trois peut aussi piéger : exemple, le triangle de Karpman, trois pôles
nécessitent un plus gros travail d’équilibrage, pour que l’un n’entrave pas le fonctionnement des deux autres.
Mais vous avez peut-être
une démarche sous jacente. Le deux, c’est la dualité, le yin yang que j’ai déjà
mentionné au dessus : l’un ne peut pas se faire sans l’autre. Or, notre
culture occidentale a retourné les aimants et rendu les pôles antagonistes :
la matière contre l’esprit, les monothéistes et les matérialistes incompatibles. Nous sommes enfermés (enfer…) dans ce
dualisme à aimants retournés qui nous étouffe. Avant c’étaient les monothéistes
qui avaient pouvoir sur le monde (en tout cas, en France), maintenant, ce sont
les matérialistes. Alors que matière et l’esprit font le yin yang, ils sont tout
autant indispensables, les deux versants qui font la montagne, la créature. Cet
antagonisme inapproprié, malfaisant, nous
enjoint individuellement de choisir entre deux pathologies, deux façons de
penser et de fabriquer son ennemi contre lequel se battre.
Le trois échappe à
la version conflictuelle du deux. Et
vous avez commencé une recension des fabrications avec le trois. Un inventaire des créations du trois est
intéressant, pour faire voir et valoir la variété : ce sont les
écosystèmes qui font vivre tout autant la biologie, que la physique que le
spirituel.
La respiration aussi est
ternaire. L’inspiration est la prise de comburant, de puissance : conatif.
L’expiration est la combustion, la transformation, travail physique, biologique,
affectif, charnel. Le nouvel état expiré est satisfait, paisible, nouveau
pattern, enregistrement, info, disponible pour le cognitif.