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Commentaire de Asp Explorer

sur Esclavage linguistique


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Asp Explorer Asp Explorer 20 mars 2007 21:50

Article très représentatif, hélas, de ce qui se passe sur divers sujets sur Agoravox. Il est bien dommage qu’un « media citoyen », dès qu’il s’ouvre, voit accourir aussitôt toutes sortes de zozos amateurs de vieilles lunes et de complots improbables, au point de rendre inaudible toute autre opinion pourtant majoritairement acceptée en dehors de leur petit cercle. Ainsi, entre les 11-septembriens de l’Eglise Unifiée du WTC7, les extrême-droite, extrême-gauche, extrême-sauvageons, extrême-sionistes, anti-corridas et autres écolophiles scandalisés par le fait que des gens prennent l’avion, on constate l’irruption récurrente d’une faction d’espérantiste fondamentalistes.

Rappelons les faits : L’espéranto, langue créée au XIXe siècle par un oculiste Polonais, est effectivement la plus répandue des langues « construites », puisque selon les espérantistes eux-mêmes, ils sont environ deux millions dans le monde. Notez cependant que des pointages et appels à témoin faits dans certaines villes ont conduit à réviser ces chiffres à la baisse. Si l’on écarte ceux qui baragouinent péniblement trois mots et ceux qui ont abandonné il y a belle lurette, il n’y aurait en fait pas plus de 200 000 espérantistes actifs dans le monde. Soit 0,003% de la population. Autant dire que pour apprendre cette langue à l’humanité, il faudrait quasiment partir de zéro.

Et tant qu’à partir de zéro, pourquoi ne pas prendre une autre langue construite ? L’IDO, par exemple, est une évolution de l’espéranto vers plus de souplesse, de logique et de simplicité (et qui élimine au passage quelques bizarreries telles que le g accentué, impraticable sur la quasi-totalité des claviers d’ordinateurs et inconnu des codes ASCII). Seulement voilà, quand vous évoquez l’IDO devant un espérantiste (je parle d’un mollah espérantiste, un barbu, un vrai de vrai), vous le verrez aussitôt écumer de rage, se répandre en malédictions et vous jeter à la figure, outre tous les objets contondants à portée de sa main, que « l’Espéranto est parfait, il n’y a rien à jeter dedans ». Pourtant, Zamenhof lui-même (l’oculiste Polonais, si vous vous souvenez) avait tenté de proposer des amendements à son propre langage, qui avaient été refusées par les premiers congrès espérantistes pour hérésie. Je force un peu le trait, mais à peine, songez qu’à certains congrès, partisans de l’espéranto et de l’IDO en sont venus aux mains pour savoir lequel des deux langages était le plus apte à promouvoir la concorde universelle et la paix entre les hommes.

Pour ce qui est du rapport Grin, que le parti espérantophile brandit comme les Sacrements, ce n’est pas réellement un rapport, mais une étude, fait par un certain professeur Grin qui est sans doute tout à fait compétent en linguistique, mais qui est aussi, de longue date, un sympathisant espérantiste. Ce qui est bien sûr son droit. Néanmoins, si vous demandez à José Bové de faire un rapport sur les OGM, ou si vous commandez à EDF un rapport sur la sécurité de la filière nucléaire, vous apprendrez sans doute des choses très intéressantes sur ces sujets, mais vous ne pourrez certainement pas prétendre avoir été informé de façon impartiale.

Le rapport Grin, par exemple, insiste sur les sommes que les pays anglo-saxons « gagnent » grâce à la popularité de leur langue, et les espérantistes embrayent sur les sommes que les autres pays d’Europe « gaspillent » en adpotant l’anglais. Des sommes prodigieuse ! Mais en regardant dans le détail, on s’aperçoit dans l’hypothèse espéranto, ces sommes seraient « économisées » en supprimant l’enseignement de l’anglais dans les écoles. Le rapport Grin est bien sûr muet sur ce à quoi on occuperait les élèves ainsi libérés, sur ce qu’on ferait des professeurs d’anglais au chômage, et à ce qu’on devrait raconter aux parents d’élèves pour leur expliquer que leur progéniture sera désormais interdite de preterit.

Le rapport Grin est tout aussi muet sur les moyens d’enseigner l’espéranto à 450 millions d’Européens. A supposer qu’il soit réellement possible d’apprendre ce langage en 150 heures, comme le prétendent les espérantistes (en brandissant des études scientifiques faites... par des laboratoires espérantistes), pour que 2% de la population soit convertie chaque année aux charmes de la langue Zamenhoffienne, combien faudrait-il appointer de professeurs ? Bien, 2% de 450 millions font 9 millions, multipliés par 150 heures font 1,35 milliards (!) d’heures de cours, à supposer qu’on fasse des classes de 20, ce qui est un maximum pour obtenir une certaine efficacité, on arrive à 67,5 millions d’heures d’enseignement. Si un professeur travaille 6 heures par jour, 230 jours par an (ce n’est donc pas un professeur français...) , on constate qu’il faut donc trouver peu ou prou 50 000 professeurs d’espéranto . Si on suppose qu’il y a sur terre 200 000 personnes le parlant suffisemment pour l’enseigner, cela signifie qu’il faut convaincre un espérantiste sur quatre d’abandonner son métier pour venir porter la bonne parole en Europe. Accessoirement, un fonctionnaire Européen, ça va coûter dans les 4000 euros par mois charges comprises, plus les frais administratifs, location de salles, matériel pédagogique, défraiement des gens qui vont passer 150 heures de leur vie à apprendre l’espéranto au lieu de travailler utilement, ça va probablement chiffrer de l’ordre de 5 milliards d’euros par an. Pendant cinquante ans. Rien que pour l’Europe.

Puis-je émettre quelques doutes sur la faisabilité politique du plan « espéranto pour tous » ?


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