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Commentaire de Hector

sur N'ayons pas peur des mots


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Hector Hector 20 juillet 2023 08:56

Bonjour Aline,
En lisant cet article je repensais à ce poème Magnifique, enlevé, drôle et de plus tellement vrai de Victor Hugo ; « Le mot » .

Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites !
Tout peut sortir d’un mot qu’en passant vous perdîtes.
Tout, la haine et le deuil !
Et ne m’objectez pas que vos amis sont sûrs et que vous parlez bas.
Écoutez bien ceci :

Tête à tête, porte close, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dîtes à l’oreille du plus mystérieux de vos amis de cœur
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d’une cave à trente pieds sous terre
Un mot désagréable à quelque individu.
Ce mot, que vous croyez que l’on a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre,
Court à peine lâché, part, bondit, sors de l’ombre.
Tenez, il est dehors ! Il connait son chemin ;
II marche, il a deux pieds, un bâton a la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle ;
Au besoin, il prendrait des ailes comme l’aigle !
II vous échappe, il fuit, rien ne l’arrêtera ;
II suit le quai, franchit la place, et cætera,
Passe l’eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez le citoyen dont vous avez parlé.
II sait le numéro, l’étage : il a la clef,
Il monte l’escalier, ouvre la porte, passe,
Entre, arrive, et, railleur, regardant l’homme en face,
Dit : « Me voila ! Je sors de la bouche d’un tel ».
Et c’est fait. Vous avez un ennemi mortel.

 Victor Hugo

Et plus modestement, profitant de votre indulgence, un des miens.

Un jour j’écrirai des mots
Avec les lettres que je connais
Et d’autres, aprés
Avec celle que je ne connais pas encore
Et apprendrai plus tard, mais que je choisirai.
J’en écrirai beaucoup
Pour être sur de ne manquer personne.
Chacun aurait le siens et, certains un peu plus
Selon mon jugement ou selon le mérite.
Dans un frénésie barbare je jetterai ces mots
A la face des gens.
Je viserai soigneusement.
Qui dans l’œil pour fabriquer un borgne
Peut-être dans les deux pour parfaire la besogne
Ou même dans les dents
Pour faire plaisir à notre président
Et j’ai aussi des mots bas et veules et serviles.
J’écrirai des mots courts, rapides pour blesser
Et des long pour tuer et pour me satisfaire
Trempés dans un poison
De ces poisons qui tuent dans de lentes douleurs
Des mots qui transpercent et qui hurlent
Et qui font mal au mieux et font souffrir au pire.
Pas un ne serait neutre et je les choisirai
De lettres dures et rugueuses et mal polies
Qui arrache les chairs rien qu’en passant la plaie
Et dans ces lèvres larges, ouvertes et colorées
Béantes, sensuelles, gît un dernier baiser.
J’aurai des mots très durs, acides et violents
Qui brulent, érodent et crispent
Jusqu’aux derniers moments
Qui fouillent les entrailles qui arrachent et qui puent
Des mots voisins de l’excrément
Des mots en un mots malséants.
Je vis dans un monde violent.

BP


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