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Commentaire de Fanny

sur L'art russe de la guerre ou comment l'Occident a mené l'Ukraine à la défaite. A propos du nouvel ouvrage du Colonel Jacques Baud


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Fanny 6 janvier 2024 12:19

@Fanny
(suite)

Au plan militaire, c’est d’un côté comme de l’autre une montée crescendo. On est encore loin du fortissimo, heureusement.

Les Ukrainiens comme les Russes auraient les moyens de frapper plus fort (rendre inutilisable le pont de Kertch avec leurs missiles occidentaux, détruire tous les ponts de Kiev comme l’avait fait l’OTAN à Belgrade quand l’UE (l’Allemagne d’abord) s’était lancée à la conquête de la Yougoslavie. Or ils ne le font pas (pour le moment).

Il y a donc de part et d’autre une retenue, un accord tacite de circonscrire l’affrontement plus ou moins à la ligne de front. Tout débordement, comme l’attaque récente et délibérée contre des civils à Belgorod (dizaines de civils russes tués, centaines de blessés), provoque immédiatement une réplique d’intensité au moins égale, décourageant toute récidive (pour un temps).

Des inégalités majeures cependant, de part et d’autre : en faveur de la Russie qui est beaucoup plus peuplée que l’Ukraine, et l’Occident interdit pour le moment de frapper la Russie avec ses missiles longue portée, par crainte d’une escalade (cette retenue est-elle durable ?). En faveur de l’Ukraine il y a ce soutien massif par l’OTAN - 10 à 20 fois le budget militaire de la Russie – ainsi que par les économies du G7 - des dizaines de fois le PIB de la Russie.

Au plan du moral des combattants, on peut supposer un certain équilibre. Les Ukrainiens se battent pour leur patrie, sans être bien certains que la Crimée en fasse partie, les Russes se battent pour la Crimée russe sans être bien certains que l’est de l’Ukraine est complètement et légitimement russe.

Un équilibre militaire semble s’être établi, respectant certaines règles, dont le non recours aux armes les plus destructrices dont les Russes disposent, et dont les Ukrainiens pourraient aussi disposer dans une montée aux extrêmes de la confrontation Occident/Russie.

Si rien ne vient rompre cet équilibre (rien de décisif en perspective), l’Ukraine ne peut manifestement pas (cf. le bilan de l’année 2023) gagner cette guerre aussi longtemps que la Russie tient debout. L’Occident le sait plus ou moins consciemment, d’où les fantasmes d’un Bruno Lemaire de destruction de l’économie russe et ceux médiatiques de maladies mortelles dont serait atteint Poutine (la Russie).

Cette guerre ne peut être gagnée par l’Ukraine et l’Occident américain qu’en « tuant » la Russie ou son économie, d’une façon ou d’une autre. Ce n’est pas gagné, bien que la Russie, son histoire l’a montré, ne soit pas d’une solidité à toute épreuve.

Pas facile à comprendre au plan militaire, ce conflit est encore plus opaque au plan politique : comment tout cela va se terminer ? Qu’espèrent les protagonistes de cette guerre ? Cette configuration militaire « gelée » devrait logiquement mettre en avant le politique, et donc conduire à la négociation. Or curieusement il n’en n’est pas encore question, et c’est difficile à comprendre.

On voit bien les bénéfices de court terme que les USA engrangent (business as usual) à mesure que cette guerre se prolonge, mais qu’en est-il de l’Europe, de l’Allemagne en particulier ? Car chaque jour, des hommes, des Européens sont tués et un pays très dégradé. Pour rien ? C’est ce que je crois. Ils meurent pour rien, à cause de la faiblesse politique et de l’hubris des dirigeants des puissances impliquées, grandes et petites.

Des dirigeants lucides et forts auraient négocié et imposé une zone de grande autonomie à l’Est/sud de l’Ukraine (Minsk), une entrée de l’Ukraine dans l’UE à terme (c’est engagé) mais pas dans l’OTAN (ligne rouge russe que les USA veulent franchir en en faisant payer le prix à d’autres), et une Crimée rattachée à la Russie (ou une formule de référendum par l’ONU, ce qui reviendrait au même résultat).

On parviendra sans doute à ce résultat, ou proche/équivalent, d’ici quelques mois ou années après des milliers de victimes supplémentaires, voire pire (crescendo ?). L’Histoire, c’est très bête, ça a toujours été comme ça, nos poilus l’avaient appris à leurs dépens.

L’UE « c’est la paix » est un acteur très engagé dans cette guerre, avec pour objectif l’adhésion à l’UE de nouveaux membres, jusqu’en Asie Centrale. C’est un enjeu civilisationnel, du lourd. La guerre en Ukraine montre que ces conquêtes de l’UE peuvent se payer au prix fort, au prix de la guerre. A l’origine des deux guerres mondiales, il serait ironique que l’Europe, « l’UE c’est la paix », soit aussi finalement à l’origine de la troisième.


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