Le « réveil » du printemps arabe prend une tournure très différente de
l’excitation et de la promesse avec lesquelles il a été salué au début.
Issu d’un vaste élan populaire initial, il est de plus en plus compris,
et craint, comme une « révolution culturelle » contre-révolutionnaire
naissante – une re-culturation de la région en direction d’un canon
normatif qui vide de leur substance les grandes espérances initiales…
Cet élan populaire associé au « réveil » a maintenant été subsumé et
absorbé dans trois projets politiques majeurs associés à cette poussée
pour réaffirmer [la primauté sunnite] : un projet des Frères musulmans,
un projet saoudo-qatari-salafiste et un projet djihadiste radical.
Personne ne connaît vraiment la nature du [premier projet], celui de
la confrérie – s’il s’agit d’une secte ou d’un courant dominant … Ce qui
est clair, cependant, c’est que le ton de la confrérie, partout, est de
plus en plus celui d’une revendication sectaire militante. Le projet
conjoint saoudo-salafiste a été conçu pour contrer directement le projet
des Frères – et le troisième est le radicalisme sunnite intransigeant
[wahhabisme], financé et armé par l’Arabie saoudite et le Qatar, qui
vise non pas à contenir, mais plutôt à remplacer le sunnisme
traditionnel par la culture du salafisme, c’est-à-dire qu’il cherche la
« salifisation » de l’islam sunnite traditionnel.
Tous ces projets, même s’ils se recoupent en partie, sont
fondamentalement concurrents les uns des autres. Et [ils] ont fait feu
de tout bois au Yémen, en Irak, en Syrie, au Liban, en Égypte, en
Afrique du Nord, au Sahel, au Nigeria et dans la corne de l’Afrique.
[Sans surprise]… Les Iraniens interprètent de plus en plus l’humeur de
l’Arabie saoudite comme une soif de guerre, et les déclarations du Golfe
ont souvent ce côté hystérique et agressif : un récent éditorial du
journal saoudien al-Hayat déclarait ainsi : « Le climat dans
le CCG [le Conseil de coopération du Golfe] indique que l’on se dirige
vers une confrontation CCG-Iranie-Russie sur le sol syrien, semblable à
ce qui s’est passé en Afghanistan pendant la guerre froide. La décision a
été prise de renverser le régime syrien, car il est vital pour
l’influence régionale et l’hégémonie de la République islamique d’Iran ».
https://www.dailymaverick.co.za/2012/06/13/towards-a-new-arab-cultural-revolution