@Brutus
Autre événement révélateur.
En 1944, à la conférence de Bretton
Woods, deux économistes, Harry Dexter White représentant Franklin
Roosevelt, et John Keynes qui représentait un empire britannique en
déclin ont proposé leurs stratégies respectives pour structurer le
monde capitaliste après une guerre qui avait remis la plupart des
compteurs à zéro. C’est le plan White fondé sur l’excédent
commercial américain d’après-guerre qui l’a emporté. Il était
destiné à « dollariser » l’Europe et le Japon pour leur
permettre de reconstruire ce qu’eux-mêmes avaient détruit en
échange de leur accord pour laisser les mains libres aux États-Unis
en matière de politique monétaire internationale.
Mais une question revient
périodiquement : face aux « crises » à répétition, le
plan de Keynes ne serait-il pas l’alternative la plus pertinente ?
C’est ce qu’a proposé dès 2009
Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la banque centrale de Chine, en
regrettant que ce plan ait été rejeté à Bretton Woods. Deux ans
plus tard, interrogé sur ce que devrait être le rôle du Fonds
monétaire international (FMI) dans l’après-2008, Dominique
Strauss-Kahn, qui en était alors le directeur général, répondait
: « Il y a soixante ans, Keynes avait déjà prévu ce qui était
nécessaire, mais c’était trop tôt. Le temps est maintenant venu
de l’appliquer. Et je crois que nous sommes prêts à le faire ! »
Quelques semaines plus tard, Dominique Strauss-Kahn se rendait à
New-York pour participer à une réunion où il s’apprêtait faire
une proposition importante : adopter le système de Keynes dans
lequel la responsabilité de l’ajustement incomberait à la fois
aux débiteurs et aux créanciers en créant une chambre de
compensation internationale (ICU, International Clearing Union) à
laquelle participeraient les principales puissances économiques.
Tout en conservant leurs propres monnaies et leurs banques centrales,
les pays membres accepteraient d’effectuer tous les paiements entre
eux dans une devise commune baptisée « bancor ». Ces
paiements seraient enregistrés et gérés dans leur compte auprès
de l’ICU.
Mais DSK n’a pas pu participer à cette
réunion. Il est tombé dans le guet-apens que l’on sait, et plus
personne ne parle du « bancor ».