Aux Lecteurs Dissolution jeux de dupes
En décidant cette dissolution de l’Assemblée nationale, devenue inévitable en raison de l’impasse politique, Emmanuel Macron ne fait pas que garder la main sur la politique. Il pourrait voler à Jean-Luc Mélenchon sa stratégie du chaos. Il était certain qu’il n’allait pas assister à sa Bérézina politique les bras croisés, boudant dans son coin. Le coup a été mûrement préparé, annonçant une dissolution moins de 90 minutes après l’annonce des résultats où sa candidate, à côté de laquelle il posait sur l’affiche électorale, fit un score en net recul depuis 2019 et surtout de moitié de celui de l’ennemi juré, le Rassemblement national, et talonné, à quelques dixièmes de point par la liste du PS, tel un Phénix renaissant de ses cendres.Emmanuel Macron est, disent ses soutiens, un « joueur » : il aime prendre des risques. Mais si sa décision est celle d’un joueur, ce serait surtout celle de celui qui joue avec la Constitution. Dans son allocution, il prit bien soin de rappeler qu’il était le seul qui n’était pas « concerné par une échéance électorale » avant 2027, ce qui limite la prise de risque. Rien de ce qui pourrait se passer ne l’impliquera. Il aime prendre des risques, mais pas pour lui, pour les Français.Et encore une fois, les apories présidentielles ont été servies au peuple français à la louche. Aux rodomontades « pas de conséquences nationales à un scrutin européen » a suivi son contraire, de la bouche même du ministre de l’Intérieur saluant les « conséquences nationales » du scrutin par la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par son président au nom de la clarification. Mais peut-être que la clarification en question n’est pas celle qu’il croit. Elle serait d’abord celle de l’absence délibérée de campagne en 2022 et de la question restée en suspens : un second mandat, mais pour quoi faire ?Il dissout et le premier tour est le plus rapproché qu’il peut institutionnellement organiser : l’article 12 lui donne vingt jours au moins et quarante au plus. Le premier tour le 30 juin lui assure ses vingt jours, pas un de plus, avant les vacances des Français.On devine déjà la campagne : il aime les campagnes courtes, ce président, et le choix du moment n’est certainement pas fortuit. Surtout que le programme est dans l’annonce même de la dissolution : le risque de « rejet de l’Europe » (ou plutôt de « son » Europe), le risque de « désordres », les « défis », et les « menaces de l’extrême droite »… Même à son jeune âge, on ne se refait pas !Il dit qu’il n’y a pas « d’échéances personnelles » pour lui. Mais dès le lendemain du vote, il est déjà reparti en campagne. Le type de campagne qu’il adore : Tulle et ses 99 pendus par la division Das Reich en 1944, puis bien sûr l’inévitable pèlerinage à Oradour-sur-Glane, qu’il a visitée à chaque campagne, ses victimes des « heures sombres » de la France qu’il pressent revenir par « l’extrême droite », qui menace le pays et dont il se doit de protéger les Français. De toute évidence, il avait préparé le coup et les commémorations du 6 juin étaient déjà de la campagne législative. Gageons que nous aurons une nouvelle campagne faite de commémorations des souffrances nazies qui menacent derechef le pays, d’un président qui « présidera autant qu’il le faudra et sera en campagne autant qu’il le pourra », comme en 2022. Une campagne sélective donc, axée sur des peurs fantasmées.Avec sa dissolution surprise (tant on pensait qu’il ne prendrait pas le risque de Rambouillet), Macron montre qu’il entend garder la main. Certainement, il ne pouvait continuer de la sorte, cahin-caha pendant encore trois longues années. Pour finir, alors qu’on pensait que la palme du plus court bail à Matignon reviendrait à Élisabeth Borne, c’est Attal, le feu-follet du président, qui écopera du titre de Premier ministre le plus éphémère de la Ve République. C’est parfois ce qui arrive, quand on remanie avant une élection. Selon toute probabilité, le Rassemblement national aura sa majorité le 7 juillet, potentiellement absolue, et héritera de Matignon. Macron fera semblant d’en être affligé, mais reconnaissons qu’il n’a travaillé qu’à ça depuis sept ans, faisant semblant du contraire. Et qu’il a pour une fois très bien réussi, comme quoi nul ne pourra dire qu’il aura tout raté à l’Élysée.Mais le RN à Matignon pour quoi faire ? Le populisme du RN lui aura sagement évité de parler d’efforts à entreprendre pour remettre le pays sur ses rails, résorber les déficits, la dette… Comme un parti de gauche qu’il est, le RN continue de promettre de raser gratis, seulement de réserver sa générosité aux seuls « souchiens ». Son programme se limite peu ou prou à l’immigration. C’est bien et certainement nécessaire, sinon urgent, mais quid de la faillite de la France ?
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