« Si tout le monde parlait japonais, tout sera très facile, je pense »
Facile - quoi ? Le japonais ?.. Voici un témoignage :
"Petite anecdote familiale...
À l’intention de ceux qui prétendent que le japonais n’est intrinsèquement pas plus compliqué qu’une autre langue.
Mon gamin est en train de lire Harry Potter (en traduction japonaise).
Il y a quelques minutes, il a demandé à ma femme :
— Onnnahen ni ishi, ça se lit comment ?
[Le kanji constitué de femme à gauche et pierre à droite se lit comment ?]
— Netamu
— Oui, mais ça ne va pas, parce que l’okurigana suivant est un i.
[Un okurigana est un caractère phonétique qui en particulier sert à « conjiguer » les verbes]
— Fais voir.... ah, oui, c’est yaku, donc yaite. Ça veut dire être jaloux. Tu connais l’expression « yakimochi » ?
Alors moi, j’embraye :
— Donc yakimochi, ça s’écrit avec ce kanji plus motsu (avoir, posséder) ?
Je pensais donc à 妬物 Ou alors c’est une contraction de 妬く et 気持 (être jaloux + sentiment, ce qui donnerait 妬気持, sentiment d’être jaloux, jalousie) ?
— À vrai dire, je ne suis pas sûre. Regarde dans le dictionnaire.
J’ai regardé, et ce n’est pas du tout cela. Je vous laisse chercher dans le dico, vous verrez, c’est une écriture homonyme qui n’a rien à voir du point de vue sémantique.
Ce qu’il ressort de cette anecdote, c’est que :
1. Mon gamin lit un livre pourtant adapté à ses connaissances, mais il y a un caractère qui le bloque, il ne peut donc pas lire le mot qui lui manque. S’il avait su la phonétique, il aurait compris.
2. Le caractère utilisé n’est pas dans la liste des 2000 caractères usuels, ce qui signifie qu’à 13 ans, on est déjà obligé de connaître des caractères en dehors de la liste officielle pour lire.
3. Ma femme, qui est pourtant érudite avec un cursus universitaire éblouissant, ne savait pas écrire « jalousie ». Évidemment, elle aurait réussi à l’écrire si elle avait eu à le faire, il aurait juste fallu qu’elle jette un oeil au dico, mais c’est pour dire qu’il arrive parfois aux Japonais les plus nantis en matière grise de buter sur des mots très simples.
Même en français qui est une langue compliquée, ça ne m’arrive jamais de sécher complètement sur un mot au point de ne pouvoir l’écrire. L’écrire incorrectement, c’est le pire qui puisse m’arriver, et je ne suis pourtant pas érudit, loin de là."