Dans l’usage courant en français, l’ultra-libéralisme désigne l’ultra-capitalisme. C’est certainement un choix malheureux par rapport au sens original et encore en vigueur chez les anglo-saxons du terme libéral. Il serait peut-être temps d’en trouver un autre, comme alter-mondialisme a remplacé anti-mondialisme. Je préfèrerais personnellement neo-classique, mais en attendant, l’usage est l’usage, autant ne pas l’ignorer si l’on souhaite parvenir à un dialogue.
La séparation des pouvoirs vue comme séparation de l’état et de l’économie est précisément une idée ultra-libérale, ou neo-classique si l’on préfère. Elle n’a rien à voir avec le principe républicain de séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, qui a pour objet de protéger de la tyrannie par la mise en place de contre-pouvoirs.
Au contraire, sauf dans le cas imaginaire d’une économie totalement centralisée par l’etat - cas qui ne s’est jamais produit en France et ne se produira probablement jamais - les détenteurs de capitaux possèdent de fait un pouvoir économique considérable. L’interventionnisme de l’etat met en place un contre-pouvoir, théoriquement assis sur la démocratie.
Ce à quoi nous assistons aujourd’hui en Europe est la tyrannie économique des détenteurs de capitaux, due à la suppression du contre-pouvoir économique des états. Un pouvoir totalitaire des marchés, et non, comme les carricaturistes ultra-libéraux aiment à le fantasmer, un appel des gauchistes à l’instauration d’un etat totalitaire à la soviétique.
Il s’agit plutôt d’une lutte des keynesiens contre les neo-classiques au pouvoir. Ces derniers tout en dénonçant le stalinisme de leurs adversaires, pratiquent la propagande dogmatique en présentant leurs choix politiques comme naturels et indiscutables et appellent de fait à un totalitarisme des marchés.
Or le pouvoir économique est certainement le pouvoir le plus important. Vouloir le rendre totalement indépendant du suffrage universel est éminemment anti-démocratique.