• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Masson

sur Polémique médiatique autour de l'espéranto


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Masson (---.---.211.175) 7 juillet 2006 09:40

Skirlet a déjà apporté des réponses que j’estime pour la plupart très bonnes sur les points traités par un lecteur qui, malgré son nom, n’a vraiment pas le don d’observation et dont l’esprit est à l’opposé de celui d’explorateur smiley))

C’est effectivement amusant de lire une question telle que : " Est-ce donc si difficile à admettre que l’adoption de l’anglais est un maigre prix à payer en contrepartie de promesses immenses pour l’humanité ?"

Un exemple de ce « maigre prix » nous a été donné par le « Los Angeles Time », l’un des quotidiens les plus fiables des États-Unis, précisément le 31 mars 2002 : de plus en plus de parents coréens faisaient — et font encore — subir une opération chirurgicale à leurs enfants de moins de cinq ans, afin qu’ils puissent mieux prononcer l’anglais. Cette opération, qui coûtait alors de 230 à 400 dollars, consistait à inciser le frein de la langue (la petite membrane qui se trouve sous cet organe) afin qu’elle puisse mieux s’allonger et devenir plus souple.

Parler l’anglais tourne à l’obsession et certains se chargent d’en faire un grand business fort bien entretenu. Il n’est pas rare que des parents coréens contraignent leurs enfants de six mois à rester devant un téléviseur durant des heures pour regarder des cassettes vidéo d’enseignement de l’anglais.

D’après le quotidien coréen « Dong-A », « L’anglais est en train de faire de l’enfance un enfer ». Selon Jonathan Hills, qui enseigne cette langue sur la chaîne de télévision éducative nationale : « Apprendre l’anglais est devenu la religion nationale »... C’est effectivement ce à quoi on peut penser. Dans d’autre régions du monde, pour un dieu, on coupe le prépuce. Ailleurs, pour le même dieu nommé autrement, on supprime le clitoris. Et maintenant, en Corée du Sud, des charlatans incisent la langue des enfants pour qu’ils parlent la langue du Dieu Dollar et se prosternent devant lui.

N’existe-t-il pas d’opération ou de médicament pour combattre la débilité mentale ? Et ceci sans parler de la dyslexie, qui frappe en premier lieu les locuteurs de l’anglais, et qui fut découverte par... un Anglais ! (faire une recherche avec les mots clés « dyslexie anglais »).

Cette même information a été relatée, mais plus tard, bien entendu, le 18 octobre 2003, par « L’Express » dans un article qui peut être lu sur http://www.lexpress.mu/archive_semaine/display_article.php?news_id=6254 sous le titre « Se faire opérer pour perdre son accent ». En voici la conclusion : « Depuis la crise asiatique de 1997-98, qui a provoqué une hausse du chômage dramatique tout en ouvrant le pays aux investisseurs étrangers, apprendre l’anglais est devenu une obsession nationale, qui gagne les salariés, les étudiants et même les jeunes enfants. »

Cette situation a été confirmée plus récemment, le 22 juin dernier, dans un article publié sur le site du quotidien coréen « Chosun » sous le titre « Korean Children Suffer English Fatigue Syndrome » sur http://english.chosun.com/w21data/html/news/200606/200606220020.html

A l’occasion d’une enquête réalisée en juin 1998 par la BBC auprès de ses auditeurs sur l’anglais comme unique langue officielle de l’Union européenne, un chercheur coréen, Kin Hiongun, avait écrit : « En Corée, nous avons dépensé des sommes énormes d’argent pour apprendre l’anglais. En calculant d’après mon expérience personnelle, j’aurais pu obtenir cinq doctorats si je n’avais pas été obligé d’apprendre l’anglais. » Même si l’on aboutissait à une perte moindre dans bon nombre d’autres pays, n’y aurait-il pas lieu d’effectuer une enquête sur ce sujet ?

Mais l’ « Explorer » de service se gardera bien de lancer une interrogation sur ce qu’a coûté, ce que coûte et coûtera — si l’on continuera ainsi — l’anglais à la société en dehors de l’anglophonie, soit plus de 92% de l’humanité, tout comme il se gardera d’étudier le Rapport Grin que j’ai déjà mentionné précédemment ou l’ouvrage du professeur Robert Phillipson qui est tout de même un ancien du British Council.

Personnellement, ça m’intéresserait de savoir quelle est la part du budget de l’Éducation nationale qui va à l’enseignement de l’anglais, et aussi de certains organismes ou entreprises qui en font la promotion (certainement pas Sanofi-Aventis, comme on a pu le voir précédemment). Même chose dans tous les autres pays du monde. On découvrirait alors qu’il s’agit d’un prix colossal non pas à payer mais que l’on paie depuis déjà des décennies. Et pour quels résultats par rapport avec l’effort consenti ? Avec le dixième de ce prix (en étant infiniment modeste), la quasi totalité de la population mondiale serait déjà bilingue depuis longtemps et aucune langue ne serait menacée si certains gouvernements, dont celui de la France, principalement au début des années 1920, n’avaient pas fait barrage à l’espéranto. N’y a-t-il pas lieu d’arrêter le massacre et de préparer l’après-anglais qui viendra forcément ? On aura le même problème si l’après-anglais débouchera sur une autre langue nationale. On pense particulièrement au chinois. Or c’est un Chinois, Tsaï Yuanpeï, qui, en 1912, sous le gouvernement de Sun Yatsen, comme ministre de l’éducation, fut le premier au monde à ordonner l’ouverture de cours d’espéranto dans les écoles normales de Chine. Sauf sous Tchang Kaï-chek et sous la Révolution Culturelle, la Chine a toujours été ouverte à l’idée de l’espéranto qu’elle a soutenu à la SDN (1921) et à l’ONU (1954 et 1985). Je rappelle que Radio Chine Internationale, la voix de la Chine dans le monde, émet tous les jours en espéranto : http://es.chinabroadcast.cn/

Tsaï Yuanpeï avait dit : « C’est plus difficile pour les Chinois d’apprendre des langues étrangères que pour les Occidentaux. Mais après avoir appris une langue européenne, ils sont dans les mêmes conditions que les Occidentaux pour apprendre une autre langue européenne. Si la première langue apprise sera l’espéranto, ceci aidera certainement dans l’étude d’une seconde langue étrangère. »

Ceci est certes valide aussi pour les citoyens de n’importe quel pays, mais les autorités de l’éducation, inféodées à l’anglais, n’en tiennent pas compte.

Mais comme l’observateur ne sait absolument rien de l’histoire de l’espéranto, tout ceci lui passe à vingt-mille mille lieues au-dessus de la tête. Il ne pense pas un instant que les espérantistes, maintenant par Internet et par Skype (qui n’existent que depuis peu dans l’histoire de l’espéranto), s’échangent une multitude d’informations, d’articles de presse sur une multitude de sujets dont celui des langues, y compris l’anglais. La ressource qu’utilisent ceux qui ignorent jusqu’à leur ignorance en matière d’espéranto est de s’en tirer par une boutade (on se souvient de de Gaulle, Kohl), de dire qu’il n’a pas d’histoire, de littérature, de poésie, que l’humour est impossible en espéranto, et j’en passe... Il faudra écrire un jour un ouvrage là-dessus.

Pendant ce temps, dans des pays riches en pétrole, minerais et autres produits exploitables, mais où règne la pauvreté, la famine, la misère, surtout en Afrique, des missionnaires étasuniens propagent une religion du même tonneau que celle de Bush en même temps que l’anglais pour faire accepter aux populations le pillage de leurs ressources et leur faire comprendre qu’ils seront remboursés au ciel.

Le « maigre prix », c’est pour les pays anglophones. Les grands profits, les super-profits, c’est pour les pays dominants de l’anglophonie. Confirmation en a été donnée en 1986-1987 par un directeur du British Council dans un rapport de cet organisme : "Le véritable or noir de la Grande-Bretagne n’est pas le pétrole de la Mer du Nord, mais la langue anglaise. Le défi que nous affrontons est de l’exploiter à fond”.

Lancé en 1995, le projet “English 2000” définissait une ligne parfaitement claire : “exploiter le rôle de l’anglais pour faire avancer les intérêts britanniques en tant qu’étape de la tâche consistant à perpétuer et à étendre le rôle de l’anglais comme langue mondiale du siècle prochain.”

Il est donc clair, sauf à celui qui se donne le nom d’ « Explorer » sans voir plus loin que le bout de son nez, paré pour ce que l’écrivaine québécoise Denise Bombardier nomme l’« à-plat-ventrisme », que les « promesses immenses » par et avec l’anglais ne sont pas pour l’humanité mais bel et bien pour ceux qui font main basse sur la planète, la pillent, la souillent.

Donc, pour ce qui est des « promesses immenses » de l’anglais, non, merci, très peu pour moi. Et je pense ne pas être le seul. Et les espérantistes ne sont très certainement pas non plus les seuls.

Ceux qui disent que l’espéranto est tout petit et que l’anglais est grand, à la façon d’autres qui disent qu’Allah est grand, oublient qu’il y a plus d’intelligence dans la tête d’une souris que dans la queue d’un lion et qu’eux, ils ne sont du lion anglais rien de plus que la queue.

Mais il est visiblement aussi vain, même s’il ne s’agit pas de tenter de le convaincre, de chercher à faire comprendre à un prétendu explorateur dépourvu d’esprit de recherche et de comparaison, visiblement politiquement immature, que de discuter avec une brouette pour la faire avancer... Ses références sont les mêmes que celles de Bénichou : le vide et le ouï-dire.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès