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Commentaire de Johan

sur Stupeur et tremblements


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Johan Johan 11 juillet 2006 13:02

Expulsion de Zidane : Attention à la récupération de la polémique !

Ce 9 juillet Zinedine Zidane a été expulsé devant 1 milliard de téléspectateurs pour un coup de tête dans la poitrine du défenseur italien Materazzi. Et si la question était en fait plus décisive qu’elle n’y parait ?

Comme beaucoup, j’ai trouvé sur le moment son geste inutile et myope : nous sommes en finale de Coupe du Monde, à dix minutes de la fin des prolongations, des millions d’enfants et de jeunes regardent le match, il s’agit du dernier match de Zidane, sa carrière est brillante et cela fait des années qu’il n’a pas connu de problème de discipline majeure.

Pourtant les révélations du lendemain quant au contenu de l’échange qui a précédé l’exclusion nous obligent à un nouvel examen de conscience.

Les faits qui nous ont été rapportés par le Guardian, journal anglais de référence, sont faciles a retrouver sur Agora.

Devant la perfidie absolue de l’insulte, on doit dès lors se demander quelle aurait été l’attitude correcte qu’aurait du avoir Zidane.

Aurait il du, quitte à se faire expulser, briser le nez de l’Interiste, que la justice lui soit rendue, quitte à se faire expulser ?

Quel exemple pitoyable à la jeunesse il aurait alors donné. D’autant que le Zidane sanguin que l’on connaît n’a jamais dérapé que dans des circonstances de provocation extrême.

Aurait t il du se taire malgré des propos inqualifiables ?

C’aurait sans doute incité son adversaire à une surenchère. Mais peut on vraiment demander à un homme d’oublier toute dignité devant les plus basses attaques ?

Sans son expulsion, aurait on un jour su que l’italien avait prononcé ces bassesses ?

Qui d’autre que le joueur le plus brillant de sa génération, élu meilleur joueur du tournoi, et le jour de sa retraite pourrait avoir une voix qui porterait assez fort pour lancer un cri de cette importance, et qui d’autre en aurait eu le courage ? Qui d’autre aurait été ainsi entendu pour dénoncer la boue qui baigne le milieu du football, gangrené par un racisme toléré par les vendeurs de tickets, de maillots et de bière ?

Combien de temps aurait t on du attendre pour que cette opportunité se présente à nouveau ?

A-t-il eu la correcte décision de réagir ainsi, en opposant fermement son front contre la poitrine du provocateur, une fois l’action passée, une fois l’attention des caméras et des arbitres détournée ?

Je doute fortement de la violence du choc réel (et non mis en scène) au vu de l’exagération ridicule de la chute de l’italien, et a mon avis, sans l’arrêt de jeu (déclanché par une assistance vidéo en temps réel officieuse) qui suivi les convulsions et la douleur apprêtée du défenseur, il n’y aurait sans doute jamais eu de retour sur cette action par les télévisions. Tout simplement parce qu’à chaque corner des duels sont illicites, parfois plus violents même, et que le spectacle doit continuer.

Zidane aurait donc voulu marquer le coup sans aller jusqu’à un geste qui aurait mérité l’expulsion. Et qui selon toute probabilité, si on en croit les mots de Lippi, n’aurait pas été sanctionné sans le recours à la vidéo par le quatrième arbitre.

En ce qui me concerne je pense qu’une décision encore meilleure aurait pu être prise.

A l’instar du buteur (noir) de Barcelone Samuel Eto’o visé par des insultes provenant du public espagnol, il aurait du exprimer son ras le bol en quittant le terrain, suivi de ses coéquipiers.

Boycotter cette finale qui ne méritait pas d’être jouée dans ces circonstances, et mettre devant ses responsabilités l’équipe italienne toute entière, du joueur de champ au coach Lippi, en passant par les remplaçants. Il me semble que ç’aurait été là la plus belle démonstration de refus du racisme que nous puissions rêver.

Mais la décision de Zidane, et son expulsion dans les circonstances qui ont été celles du 9 juillet, portent une polémique d’une taille potentiellement explosive.

L’expulsion du meneur français est porteuse d’un sens qui dépasse largement les limites du terrain. Elle porte un sens profond de révolte contre l’intolérable. Quelles qu’en soient les conséquences.

Même s’il faut abandonner ses coéquipiers qui se sont arraché pour arriver si loin, et qui n’ont jamais goûté à la gloire du titre mondial (surtout les Ribery et Malouda auteurs d’une très belle prestation). Même si l’on doit sacrifier un an d’effort supplémentaire et les fruits de la prise de risque exceptionnelle qu’est le retour en sélection, exercice dans lequel tant se sont cassé les dents. Même s’il faut entacher une compétition magique. Même s’il faudra affronter le regard de Thuram et de Makélélé, qu’il avait convaincu de suivre dans sa dernière aventure. Et celui des français qui l’ont des années durant élu leur personnalité préférée.

Et si la France perdait, éponger chaque larme versée d’attentes frustrées.

Zidane a par ce coup de tête risqué sa place au firmament, que si peu ont su atteindre.

Quel courage exceptionnel il lui a fallu.

Quel sens du sacrifice.

Quelles responsabilités prises devant le Groupe, devant la France fébrile.

Le Guardian a déjà témoigné. Mais si Zizou déclarait publiquement les faits ?...

Si Zidane ne témoignait pas, il perdrait la face et serait rentré dans le rang. Il est même possible que Jacques Chirac ou Aimé Jacquet le lui demandent, pour préserver l’ordre public.

Mais s’il demandait Justice, pour que tous ses sacrifices n’aient pas été vains ? Dans une démarche de témoignage certes jusqu’auboutiste mais légitime. Et noble.

Imaginons un instant ou bien la fédération italienne questionnée, ou la FIFA, ou Materazzi ? Le joueur peut être une tête brûlée et passer entre les gouttes. D’autres avant lui ont été détestés par une communauté. On se rappelle par exemple du salut fasciste de Di Canio, capitaine de la Lazio Rome.

Mais la FIFA ? Si les faits se confirmaient et qu’elle ne prenait pas de sanctions contre le perfide insulteur ? La communauté musulmane lui pardonnerait t elle ? Quand on voit le tollé qu’ont provoqué quelques dessins blasphématoires dans le monde musulman, alors que la plupart des caricatures n’avaient pas été reproduites dans ces Etats, on se doute que le milliard de personnes qui on vu les faits de ce dimanche en direct seront d’autant plus à même d’en être révoltés.

Je les sens venir, je les lis déjà, ces loups radicaux qui attendent leur heure.

Les uns ont déjà clamé que les arabes ne peuvent maîtriser leur colère, qu’ils sont d’un bois naturellement violent et, pour tout dire, impossibles à assimiler. Ils se fichent bien de dégrader l’image d’un homme exceptionnel.

Les autres aussi fourbent leurs armes. Ils sont prêts à assimiler Materazzi l’infâme à l’Occident. A réclamer une justice qui leur est due. Ils ont la preuve, enfin, de la duplicité des instances internationales, qui marchent main dans la main avec les racistes islamophobes.

Et des deux côtés les raccourcis faciles sont prêts. Malgré la grosseur des fils, le stratagème marche de mieux en mieux. Tous deux ont appris de Hitler qu’il est vrai que les masses avalent plus facilement les gros mensonges que les petits. Et plus leur adversaire est tenace et insidieux, plus leurs règnes sur leurs peuples opprimés respectifs s’affirment. Et plus les frustrations sont aigues, plus la Légion des désespérés enfle.

Nous ne pouvons pas rester passifs !

Nous ne pouvons pas laisser à ces vieux démons de l’Humanité que sont le racisme et l’intégrisme l’espace pour s’exprimer.

C’est à nous de prendre la parole et de ne laisser personne s’exprimer en notre nom.

Nous voulons la Justice et la Vérité. Ni plus, ni moins.

Que Materazzi présente des excuses publiques, comme les officiels italiens. Que la FIFA prenne ses responsabilités et le bannisse des terrains, lui et sa panoplie de roquet fauteur de trouble, d’intolérable raciste. Que le message au monde soit clair. Nous ne mangeons pas à la table des racistes.

Si nous ne nous exprimons pas, la polémique risque d’enfler et de nous dépasser rapidement. Une fois encore, au bénéfice des radicaux, qui seront les seuls retransmis par les médias de toute façon, et qui se renforcent malheureusement chaque jour un peu plus. L’événement sera biaisé par les relais partisans, et l’amitié entre les peuples sera encore plus fragilisée.

« C’est le Mal qui triomphe de l’inaction des hommes de bien », Burke.

Voyons si on peut rameuter plus d’IP que les Trolls des sujets polémiques...


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