Il est, je pense, faux et dangereux de s’attarder sur la bêtise et le manque d’investissement des gens. Les personnes qui refusent de s’intéresser à ce qui se passe autour d’elles, qui crient à la théorie du complot dès qu’on tente une analyse politique, et qui se vantent de préférer une blague cochonne à une discussion « qui fait mal à la tête », ne sont pas stupides.

Ce genre de réactions n’est pas un signe d’authentique manque d’intérêt, bien au contraire : ce sont des arguments. Quelqu’un qui vous dit « Tu te prends trop la tête » n’est pas en train de vous dire que vous vous prenez trop la tête : c’est simplement une phrase rhétorique destinée à vous faire taire. C’est un combat idéologique.Nous construisons tous notre vision du monde, et ceux qui ont accepté le système tel qu’il est aujourd’hui, l’ont intégré à leur vision du monde. En d’autres termes, si l’ultra-libéralisme, le défaitisme, toutes ces belles idées qui ont été implantées à coup de bourrage de crâne, sont menacées, c’est toute l’organisation du monde qui tremble, et ce n’est jamais très agréable. Logique, dès lors, que tant de personnes défendent le système bec et ongles. Or, pour défendre une idée, on peut se jeter dans l’arène, discuter, essayer d’imposer son point de vue. Mais il est bien plus efficace et moins dangereux, quand son point de vue est déjà au pouvoir, de refuser le combat, de traiter l’adversaire par le mépris, de le forcer au silence par l’humour.

Tout ça pour dire que la masse idiote dont on entend souvent parler n’existe pas. Il n’y a pas de vide en idéologie : on est soit pour, soit contre un système. Et donc les gens qui prétendent se moquer de ces questions sont en fait, consciemment ou non, des soldats du système. Il faut s’attendre à des réactions et des stratégies de rejet, de mise au silence, de violence, et chercher à les surmonter, plutôt que s’apitoyer sur la bêtise contemporaine.

Par ailleurs, merci pour cet excellent article :)