« Nouvelles de la Faculté des Lettres de la Manouba (Tunisie)
(Tunis, le 1 mars 2012)
Par Habib Mellakh
universitaire, syndicaliste
Département de français, Faculté des Lettres de la Manouba
Les enseignants de la Manouba suspendent l’exercice du droit au retrait
Une grande confusion a caractérisé dans les médias, auprès des étudiants, de l’opinion publique et même chez les enseignants la qualification de l’action menée par les enseignants de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba au cours des deux derniers jours. Le caractère inédit de ce type d’action en Tunisie, l’absence de culture juridique chez beaucoup d’acteurs de la scène syndicale, même quand il s’agit des droits reconnus ou méconnus des travailleurs, sont à l’origine de ce cafouillage terminologique.
Alors que ces termes sont inappropriés au niveau juridique, on parle tantôt de grève ouverte, tantôt de suspension des cours. Le bureau syndical de la FLAHM a toutefois précisé que les enseignants n’étaient pas en grève mais qu’ils étaient dans l’impossibilité d’assurer leurs cours à cause de périls réels encourus, sans trouver le terme adéquat pouvant se substituer à cette formule périphrastique qui est « le droit au retrait ». Il ne le dit pas par pure rhétorique ou parce que que la grève ouverte fait peur et pour atténuer l’effet d’une annonce pareille mais par référence à cette notion à laquelle on n’est pas familiarisé.
Ce droit est reconnu en France et dans d’autres pays pour les fonctionnaires et pour les ouvriers et défini dans le code du travail français comme le droit pour le salarié de « se retirer » d’une situation de travail présentant un « danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». La durée du droit au retrait dépend de la nature du danger et de sa persistance. Droit individuel mais pouvant être exercé collectivement, il n’entraîne ni sanction, ni retenue sur salaire. Même si le droit tunisien ne le reconnaît pas – il n’en existe aucune mention, ni dans le code du travail, ni dans la loi sur la fonction publique – et que les enseignants de la FLAHM n’en avaient aucune connaissance, ils ont estimé qu’ils pouvaient, en vertu du bon sens, se prévaloir du danger vécu pour se retirer et qu’ils n’étaient pas dans une situation de grève, puisque cette action est définie par le législateur comme un arrêt de travail volontaire dans le but de faire aboutir des revendications professionnelles.
L’objectif de ce retrait était de pousser l’autorité de tutelle à leur éviter le risque d’être à nouveau agressés par « les sections d’assaut » implantées à la Manouba grâce au recrutement d’un corps de vigiles réclamé depuis les examens semestriels ou, à défaut, et dans l’attente de l’engagement de ce service de fonctionnaires dépendant du doyen, par l’appel aux forces de l’ordre pour aider les agents de la faculté à filtrer les entrées.
Les enseignants de la FLAHM ont organisé aujourd’hui deux assemblées générales syndicales pour un suivi de la situation et une évaluation, en début de matinée et en début d’après-midi, de la permanence du risque d’agression ou de sa disparition, en vertu de la définition du retrait qui lie sa durée à la persistance du danger.
Au cours de l’assemblée tenue le matin, les enseignants ont jugé que l’autorité de tutelle n’avait pas offert les conditions de sécurité requises pour une reprise du travail. L’assemblée de l’après-midi a pris connaissance des communiqués du ministère et du rectorat diffusés en début d’après-midi pour dénoncer les violations continuelles de la faculté par le groupuscule des partisans du niqàb et les agressions répétées contre les enseignants et pour exprimer le soutien total de ces deux autorités aux professeurs agressés et leur souci de les protéger. Même s’il ne résout pas le problème sécuritaire et qu’il n’est pas signé ni par le ministre en voyage, ni par un représentant de l’autorité, le communiqué émanant du cabinet du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ainsi que l’engagement du ministère à solliciter un cordon de sécurité pour protéger les enseignants à l’occasion de la traduction devant le conseil de discipline de la FLAHM des étudiants coupables d’agressions et d’infractions, ont eu le don de constituer aux yeux des enseignants, un progrès à même de justifier la suspension de l’exercice de leur droit au retrait.
Toutefois, ils se sont déclarés mobilisés pour entreprendre toutes les actions jugées utiles chaque fois que leur sécurité serait menacée et que leur dignité serait bafouée et pour revendiquer la publication par le ministère d’une note de service validant le règlement intérieur de la faculté selon les termes d’un communiqué commun publié en fin d’après-midi par les deux syndicats de la FLAHM. ».
Salah HORCHANI
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