Déjà, lorsque j’avais vu le débat sur l’Algérie sur la chaine parlementaire L.C.P. à la mi-juillet 2005, il m’avait semblé que la condamnation unanime et absolue du colonialisme était un peu rapide. En effet, plusieurs des participants à ce débat n’auraient pas atteint le niveau de culture, la situation sociale et la place dans les médias qu’ils ont actuellement, sans la colonisation de l’Algérie par la France. Il est bien regrettable que personne n’ait fait remarquer cette évidence. Je ne suis pas du tout un nostalgique de l’Algérie française où mes parents, instituteurs, ont résidé une dizaine d’années (ils n’étaient pas Pieds-Noirs) ; mais je commence à m’inquiéter quand on dit et répète dans ces medias qu’aucune instruction n’était donnée aux Algériens. À Beni-Saf et à Oran, il y avait suffisamment d’instituteurs pour faire vivre des ciné-clubs actifs. De même, de nombreux cadres du FLN ont bénéficié de l’instruction républicaine ; une recherche rapide donne les éléments suivants :
Ahmed Ben Bella : études secondaires à Tlemcen Hocine Ait Ahmed : dr en droit de l’université de Nancy Abdelaziz Bouteflika : études secondaires Houari Boumediene : études en arabe à l’école coranique et en français à l’école primaire de sa ville Mohamed Boudiaf : études à M’sila, fonction administrative Mostefa Lacheraf : études secondaires aux lycées de Ben Aknoun et d’Alger, puis à la Medersa Tha’alibiyya ; études supérieures à la Sorbonne. Abane Ramdane : né en 1919, ancien éléve du collège de Blida Abbas : pharmacien de l’université d’Alger Mohamed Lamine Lamoudi : études secondaires à Biskra Benyoucef Ben Khedda : études au lycée de Blida Amar Ouamrane : certificat d’études primaires, académie militaire de Cherchell Krim Belkacem : certificat d’études primaires à Alger Rabah Bitat : études à Constantine Mourad Didouche : lycée technique du Ruisseau à Alger
Par ailleurs :
Née en 1936 à Cherchell, à l’ouest d’Alger, Assia Djebar, de son vrai nom Fatima-Zohra Imalyène, a été la première femme algérienne à être admise à l’Ecole normale supérieure de Paris, en 1955. Elle a depuis été reçue à l’Académie française.
Né à Casablanca en 1930, Jamal Eddine Bencheikh vécut dans la région d’Oran, puis poursuivit à Alger des études de droit et d’arabe classique. Après l’indépendance de l’Algérie, il s’exila en France pour protester contre le régime de Boumediene. (Le Figaro, 11 août 2005).
Sans la colonisation, MM. Azouz Begag et Léon Bertrand n’auraient pas été ministres de la République, comme le fit utilement remarquer le député UMP des Alpes-maritimes Lionel Luca.
La colonisation ne peut donc se résumer à la construction de routes et de ports au seul bénéfice des Européens. La France a mis fin à la pratique africaine de l’esclavage, y a exercé une oeuvre d’instruction publique et y a apporté l’hygiène et la médecine préventive, avec notamment les vaccinations. La France a permis l’utilisation des ressources pétrolières de l’Algérie. On oublie de dire aussi que la responsabilité d’un certain nombre de Français de gauche est en cause dans le mauvais choix d’une économie socialiste planifiée à la soviétique, choix ù !fait par le gouvernement algérien en 1962, comme celle des indépendantistes l’est dans l’origine, puis l’escalade, des incidents qui ont abouti au massacre de Sétif.
Cette colonisation, comme la conquête de l’Amérique, ou celle de l’Espagne par les Arabes, comme la montée des Arabes jusqu’à Poitiers, est un exemple de clash de civilisations inégalement développées ; chercher éternellement, et anachroniquement, des responsabilités pour ces faits ne va pas dans le sens de la pacification de l’histoire humaine. La colonisation aurait pu fournir des institutions aux pays africains, leur éviter des guerres telles que celle qui menace entre le Yémen et le Soudan, ou entre la Somalie et l’Ethiopie. Mais cela n’a pas été possible, et ces pays devront, sans doute, repasser par où nous sommes passés en Europe.
Je ne nie pas que la France ait commis des fautes, dont la plus grave est probablement le décret Crémieux qui accorda en 1870 la nationalité française aux seuls Juifs d’Algérie, à l’exclusion donc des musulmans. B.-H.Lévy, J.-P. Elkabach, Jean Daniel [Bensaïd] et d’autres doivent leur nationalité à ce décret à caractère évidemment raciste (judéocentriste).
Il vaudrait mieux faire de l’histoire générale plutôt que de cultiver, avec les mémoires communautaires, les rancunes, les ressentiments, et la théorie inquiétante d’un « continuum colonial » (Houria Bouteldja à Cultures et Dépendances). Houria Bouteldja, qui se dit algérienne.
L’ancien Président de la République Chirac demanda le déclassement de l’al. 2 de l’art. 4 de la loi du 23 février 2005, mais subsiste étrangement l’article 1, al. 1 :
« La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française. »
Le déclassement ayant été accordé par une décision du Conseil constitutionnel, l’alinéa 2 de l’article 4 a ensuite été abrogé par ce que certains appellent le « décret Bouteflika » du 15 février 2006.
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