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Morpheus Morpheus 17 septembre 2012 16:12

@ l’auteur

J’ai lu avec attention votre article, dont le message essentiel est cristallisé dans ce passage de votre conclusion « Sans remettre en cause l’esprit de la liberté d’expression, nous pensons que cette dernières devrait avoir des limites – s’agissant des spiritualités qui sont qu’on le veuille ou non le seul recours dans un monde de plus en plus anomique, seul refuge pour garder l’espoir en un avenir meilleur ».

Je dois dire que, dans l’absolu, j’aurais peut-être pu approuver, en partie, cette conclusion. Mais d’un certain point de vue, seulement. Pour pouvoir l’approuver, il faudrait que j’eusse la certitude que nous nous entendons sur le mot »spiritualité« (notez l’usage de guillemets inversés, dont j’explique la signification en bas de message).

Or, justement, ce qui me fait tiquer, c’est que compte tenu du sujet de votre article, il apparait évident que vous assimilez « spiritualité » et « religion ». Or - et c’est particulièrement le cas pour ce qui concerne les religions monothéistes - la spiritualité est une voie très différente de celle imposée par les religions. On pourrait même dire que religion et spiritualité sont diamétralement opposées. Je conçois bien sûr que cette affirmation sera difficile à entendre, et plus encore à accepter de votre point de vue. Permettez-moi donc seulement, sans intention de vous convaincre (et moins encore de vous offensez), de vous exposer mon propre point de vue à ce sujet.

J’ai la chance (je crois) d’être né dans un pays (la Belgique) à une époque où la religion, bien que présente dans l’espace publique, a été séparée du pouvoir politique. La religion - ou plutôt les religions y sont présentes, mais elles ne s’imposent plus comme elles le firent par le passé (en particulier la religion catholique) . Elles s’imposent encore cependant dans un certain nombre de cas, non du fait d’une autorité politique et/ou religieuse, mais surtout par le biais de la tradition familiale. Ainsi, ayant été en partie élevé par mes grands parents chrétiens pratiquant dans mon jeune âge, ai-je moi-même été instruit des préceptes de la religion catholique romaine, au point d’avoir, durant ma septième année, officié en tant qu’enfant de cœur.

C’est peut-être cette expérience qui me fit commencer à prendre conscience (mais à retardement) de la différence fondamentale entre ce qu’est la religion et ce qu’est la spiritualité. A cet âge, bien évidemment, ce ne fut pas un raisonnement intellectuel critique, mais un sentiment, une intuition, une émotion, qui me fit réagir. Ce que j’ai senti, intimement, lorsque j’officiais comme enfant de cœur, c’est que les antiennes du curé, tout comme les réponds des fidèles, étaient vides. Ils n’émanaient de ces paroles ni présence, ni spiritualité, ni force, ni amour, ni sincérité, mais l’expression d’un vide terrible. Une absence de sens, une absence de compréhension, de connaissance tant du sens des mots que du sens des »enseignements« . Il m’apparut - encore confusément vu mon jeune âge - que ni le curé ni les fidèles ne savaient ce qu’ils faisaient. Et c’est à la suite de cette expérience que j’ai délaissé la voie de la religion. Ce fut possible parce que mes parents, eux, n’étaient pas pratiquants (à l’inverse de mes grands parents) et m’ont laissé la liberté de choisir ma voie. Cela aurait peut-être été plus difficile (ou en tout cas plus conflictuel) s’ils avaient été pratiquants, car l’on sait que dans ce cas, il y a une réelle propension à influencer et orienter les enfants à suivre « la même route que soi » (référence à une chanson de Brassens).

Ma vie m’a ensuite mené, petit-à-petit, à remettre en question un grand nombre de présupposés imposés par l’environnement socioculturel dans lequel j’ai grandi et vécu. Et notamment, à explorer d’autres voies pour chercher le sens de la vie et le sens de ma vie. C’est comme cela, en devenant plus libre (et tout spécialement libre de beaucoup de présupposés), que j’ai découvert ce qu’était la spiritualité. C’est en étant « vierge » (vierge d’esprit, pas puceau, je précise) que je pouvais explorer la juste voie. Sans jamais pouvoir être certain qu’il s’agit de la voie du juste ... En la matière, la certitude est une porte fermée - et la »voie du juste« a alors fâcheusement tendance à égarer dans ses voies.

Je ne saurais, en quelques mots ou quelques phrases, vous exposer toute l’étendue de la perception que j’ai acquise dans cette démarche spirituelle. Les choses que l’on découvre, le plus souvent, ne sont pas, loin s’en faut, toujours réjouissantes. Mais elle s’emboitent les unes avec les autres, comme les pièces d’un puzzle qui, chaque jour, apporte une vision plus cohérente de ce qui est. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut transmettre. On peut seulement le vivre, en faire l’expérience. C’est quelque chose de profondément intime, individuel, personnel, ... et solitaire (tout le contraire de la religion).

Le plus surprenant, dans la compréhension la plus élevée qui me soit donné d’avoir aujourd’hui, concernant le sujet qui nous tiens, c’est que ce petit film minable dont on parle trop (que je n’ai pas vu en entier, mais dont les extraits vu sur le net on suffit à mon édification quant à sa »qualité« cinématographique) est un révélateur. Il révèle, par le procédé psychique de la projection (dans le cas d’un support cinématographique, on ne pourrait mieux dire ...), la nature obscure des hommes et par là même, le côté obscure de leurs croyances, de leurs peurs, de leurs obsessions.

Et je dis cela dans les deux sens : elle révèle autant le côté obscure de l’islam que le coté obscure
des auteurs « mystérieux » (hum...) du film. En cela, que cela soit voulu on non, ce film minable pourrait bien avoir, contre toute attente, une vocation spirituelle (la spiritualité vole toujours un peu plus haut que nous). Car révéler aux hommes leur part obscure est le passage obligé pour leur permettre, une fois mise en lumière, de purifier cette part ténébreuse, poussant à la haine, au mépris, à l’enfermement, à la violence, à la mort ... Mais en disant cela, bien sûr, je n’exprime que l’espoir fou de la part la plus spirituelle de ma personne. L’autre part, elle, demeure parfaitement lucide sur la teneur éminemment politique et manipulatoire de cet événement, voulu par des voleurs de pouvoirs dans le but de soutenir et renforcer l’immonde théorie du « choc des civilisations ».

Et c’est là toute l’ironie de la situation : alors que l’islam et les musulmans pourraient, tout autant que l’occident judéo-chrétien, saisir cette occasion pour rejeter les excès et en appeler à la mesure et à la sagesse, les esprits les plus enténébrés sont au contraire encouragés à s’exprimer et les médias vautours s’en lèchent bien évidemment le bec. Les uns faisant le jeu des autres, le mal entraine le mal, la haine entraine la haine, la colère entraine la colère, le rejet entraine le rejet. Et, qui sait, bientôt les morts entraineront les morts ?

Logique mortifère, ne croyez-vous pas ? Mais que pouvons-nous attendre de religions monothéistes dont les dogmes et les enseignements sont éminemment mortifère en eux-mêmes ? Car même si l’occident s’est soi-disant libéré de l’emprise politique de la religion, ses préceptes pervers envahissent encore les pensées et les législations. Nous ne sommes pas libérés des religions : même en France - qui se dit laïque - l’on y pense encore le monde à travers le filtre de la pensée religieuse.

Mais tout ceci n’a rien à voir avec la spiritualité... Sauf si... Sauf si nous décidons d’orienter nos efforts spécifiquement en ce sens. Mon espoir - bien mince et utopique, il est vrai, se trouve là. A l’opposé, semble-t-il, du vôtre, si j’en crois votre conclusion. Mais en quoi serions-nous fondamentalement opposés ? Je vois bien une chose, peut-être : n’ayant ni dieu, ni maitre, ni idole, ni prophète il est difficile de provoquer mon courroux simplement en les moquant (il y a un non sens révélateur dans la formulation de cette phrase).

Cordialement,
Morpheus

PS : l’usage de guillemets inversés vise à pointer un mot ou un concept à aborder avec circonspection et prudence, du fait de l’interprétation qui peut en être faite, dans un sens ou dans un autre, ou du fait de la perversion qui a été faite de son sens par l’usage.


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