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Tristan Valmour 13 octobre 2012 17:52

Salut Radix

Ce que vous racontez est vécu dans mille entreprises et a été théorisé, entre autres, par des universitaires de l’UCLA (ce sont deux frères, un mathématicien et un philosophe, je ne me souviens plus de leur nom sur le moment) qui se sont intéressés au phénomène de l’acquisition des compétences. Information, connaissance, performance, savoir, savoir-faire (etc.) ne sont absolument pas synonymes.

@ Christian

Je crois que des sciences de l’éducation vous ne connaissez que ce qu’en disent la presse, quelques collègues, ou quelques pédagos illuminés qui ont fait sciences de l’éducation mais qui ne représentent pas toute la branche, comme à la lecture de Balzac on ne peut conclure que tous les écrivains fassent des descriptions interminables. Allez voir ce que fait l’ENS de Lyon par exemple.

Et puis, vous écrivez vous-même : « C’était le politique qui décidait à leur place », le problème est donc politique plus qu’éducatif. Et comme je l’ai écrit dans l’un de mes articles, les profs sont maîtres de leur pédagogie.

« Je me souviens de tel collègue paniqué juste avant d’aller voir ses élèves, parce qu’il hésitait sur le nom qu’il fallait donner dans le texte qu’il allait expliquer, à telle figure de style un peu compliquée » -> Encore une fois, ce que vous soulevez ne relève pas des sciences de l’éducation mais des grammairiens. Le nom des figures de styles, des types de texte, des fonctions du langage, etc. relève de la grammaire de texte, pas des sciences de l’éducation. Et d’une manière générale, sous l’influence de la recherche, les disciplines se réforment. On classe différemment les concepts, on les nomme différemment : c’est le résultat de la division du savoir.

Quant au jargon abscons, allez voir du côté du droit, des sociologues, et de bien d’autres professions. Cela relève de l’herméneutique, de l’esbrouffe, pour se sentir supérieur et écarter la masse du savoir, mais aussi parce qu’il faut disposer de noms appropriés pour nommer de nouveaux concepts (idée défendue par Bourdieu notamment).

Quant à la notation, elle ne rend pas compte du processus cognitif. Elle sanctionne uniquement une performance, et au premier rang, la capacité à lire un énoncé Combien d’énoncés sont imprécis ? Quelle interprétation en faire ? C’est après qu’on résout le problème. Avez-vous remarqué que l’enseignement est le seul domaine (je crois) où l’expert interroge le novice ? Et avez-vous mesuré les implications de ce rapport ? Combien d’élèves répondent faux parce qu’ils croient que c’est la réponse qu’attend le professeur ?

Encore une fois, plutôt que de rester sur des on-dit et des impressions, allez à la source, lisez des livres sur la pédagogie ou la psychologie. Votre opinion changera, j’en suis certain. Je ne suis pas un idéologue.

@ Abou

Maintenant qu’on a sorti les missiles Tomahawk, on peut enterrer la hache de guerre ? Je vous ai répondu tout à l’heure sur un ton identique au vôtre. Ceci dit, il m’arrive d’asticoter le premier, au gré de mon humeur.

Pour finir sur les enfants précoces. Statistiquement, il n’y a aucune surreprésentation des enfants précoces parmi les « agités ». C’est l’un des nombreux mythes qui sont véhiculés, et comme ils sont populaires, on y fait davantage attention, sans plus remarquer les autres enfants précoces qui ont une attitude tout à fait « normale ». La capacité à traiter plusieurs stimuli à la fois s’appelle le multitasking. Il est scientifiquement prouvé qu’il y a un déficit important dans la rétention et le traitement des informations, y compris chez les enfants précoces (voir par exemple les travaux de Michael Posner). Les enfants précoces ont certes une capacité plus importante que les autres à traiter les informations, en raison d’une WM (Working Memory) plus importante, mais ils doivent eux aussi se concentrer sur une seule tâche pour la réaliser correctement. Cela dépend bien entendu de la nature de la tâche.

Il est tout à fait possible aujourd’hui de développer ce qu’on nomme intelligence et qui n’est grosso-modo que de la WM. Torkel Klingberg le fait très bien avec Cogmed.

Et enfant précoce, ça ne veut rien dire, l’enfant que vous citez n’est pas plus doué qu’un autre.

 On a étudié les grands joueurs d’échecs, pensant qu’ils avaient des capacités supérieures aux autres parce qu’ils pouvaient jouer en aveugle, etc. En fait, hors de leur domaine, ils sont normaux. Si on est excellent au sudoku, on n’est pas forcément excellent au jeu de dame. Il faut apprendre et devenir un expert. On a aussi étudié les calculateurs prodigieux et on les a comparés à de simples caissières expérimentées. Ces dernières se sont révélées meilleures dans la plupart des tests qui impliquaient leur propre métier. Là encore, le phénomène d’expertise prime.

Il n’y a qu’en musique qu’on peut véritablement qualifier de précoce.

Dans tous les domaines, c’est la même chose : il faut pratiquer et encore pratiquer, et toujours pratiquer. Et apprendre, encore apprendre, toujours apprendre. Parce que le savoir nous englouti tout entier, et qu’on n’est, individuellement en tout cas, rien. Juste une poussière.

Au fait, on ne parle plus d’intelligence mais de performance cognitive. Et ce n’est pas une lubie de psychoneuneus. Cela correspond tout à fait à la réalité.

BONNE NUIT A TOUS.

 


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