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easy easy 7 janvier 2013 13:58

Mélanger Vietnamiens et Chinois dans cette étude Hexagonale a du sens puisque ces deux communautés sont perçues comme une seule par les indigènes Hexagonaux
Mais à se garder tout de même en tête qu’on associe alors deux groupes ayant des historiques globaux rivaux en leur terres d’origine. Ce serait comme si des Etatsuniens analysaient la situation d’un ensemble de deux sous-groupes Français + Ivoiriens ou Algériens établis en Floride sans les distinguer.
Comme quoi des rivalités historiques valables dans des contrées originelles s’estompent lorsqu’on se réinstalle ailleurs et surtout aux yeux d’un Tiers.

On peut d’autant indifférencier Chinois et Vietnamiens que les Chinois de 1976 venaient du Vietnam, du Laos et du Cambodge où ils étaient déjà coupés de la Chine depuis une génération. Disons que les Viets nous viennent directement du Vietnam alors que les Chinois nous viennent souvent d’autres contrées que la Chine (sauf très récemment)

Les Chinois installés ici depuis plus de dix ans sont des gens très largement apolitiques et athées, sans autre culture que celle de diaspora d’affaires. 
Les Viets nous viennent directement du Vietnam, ont trimballé avec eux leur culture typiquement viet (comprenant une part plus importante de religiosité théiste). Ils n’étaient pas du tout organisés autour de l’affairisme mais très fortement autour du diplomisme (très pasteurien, très ferryste). Leur préoccupation d’immigrant était d’abord de faire reconnaître leurs diplômes issus du colonialisme (papiers acquis soit en Indochine soit en France) puis de pousser leurs enfants au diplomisme. Ce sont donc les jeunes Viets qui constituent le groupuscule des asiatiques présents dans nos Grandes écoles.

Lorsqu’on insépare les deux groupes, on attribue à l’ensemble des qualités d’affaires et des qualités diplomistes mais ces deux qualités proviennent chacune d’un groupe non des deux.

D’un point de vue culturel profond, nos Chinois auraient tendance à nous entraîner dans le move inculturel (mot à ne pas péjorer) mondialiste sans nostalgie alors que nos Vietnamiens auraient tendance à nous renvoyer au XIXème en toute nostalgie.

Etant à comprendre que je force les traits et qu’au fil des générations, ces distinctions s’atténuent forcément. 

Ce qui est étonnant c’est qu’on puisse dire des généralités sur ces communautés alors que sur le terrain (parisien) elles ne se mélangent pas sinon chez l’épicier.
Les Viets entre eux ne sont pas séparés entre eux (Ils l’auraient été nettement s’il y avait eu beaucoup de Viets du nord) et sont assez viscéralement anti communistes (Ils en sont à déplorer que la France ait perdu Dien Bien Phu, c’est dire).
Mais les Chinois, plus apolitiques que les Viets, n’ayant rien à cirer de Dien Bien Phu et de l’Histoire à la Lavisse, se séparent entre eux. Il y a des quartiers dits chinois dans Paris mais en réalité ils sont communautaristes de langue (seulement de langue), certains ne pratiquant pas la langue des autres.
 
S’il nous est donc possible de les considérer tous indistinctement c’est surtout parce qu’ils sont peu théistes, peu politisés et non vindicatifs, comme vous l’avez souligné. C’est aussi parce qu’ils ont une cuisine, une alimentation qui nous a été très exotique. 
 
Il m’arrive d’imaginer ce qui se serait passé si seulement des Chinois étaient venus ou seulement des Viets et je trouve que ce qui a été heureux c’est que nous ayons eu les deux en même temps. Nous nous retrouvons avec des adoptés dont certains réclament plus de Victor Hugo et d’autres qui réclament plus d’Import-Export. Trop de Chinois aurait fait de Paris un nouvel Hong Kong, trop de Viets aurait conservé notre Hausmannisme. Le mélange des deux nous offre un point d’équilibre.

(Le diplomisme des Viets est très pasteurien, très fondé sur la médecine avec Yersin comme parangon. On les trouve donc dans les pharmacies, la chirurgie et la biologie. Ils dénigrent les médecines que nous appelons traditionnelles et n’apparaissent pas dans les médecines dites douces en dehors de l’acupuncture. Ce n’est que plus marginalement qu’ils apparaissent dans l’informatique) 
 
En rapport de cela, la communauté maghrébine, dont les terres d’origine sont secouées (car secouables) de spasmes politiques, me semble avoir co-cristallisé avec les Pied-Noir autour d’un dépit et ça provoque un affrontement intra hexagonal (où la religiosité est utilisée) qui dévore les énergies, nous stresse et nous paralyse.


Nos Chinois, fondamentalement apatrides mais s’inventant constamment un patriotisme géo-chinois, n’ont pas eu à cristalliser autour d’un dépit politique particulier (D’autant que pour ceux de 1975, venus de Saïgon, ils avaient débarqué dans le XIIIème arrondissement avec un passeport mentionnant une nationalité vietnamienne).

Nos vieux Viets, très attachés à leur pays, ont été dépités de la victoire des communistes en 1975 mais ce qui leur pose problème se situe à 10 000 kms d’ici et Paris n’y est pour rien sinon indirectement. Leur dépit couve toujours et ils vocifèrent sur le Net mais contre une clique Viet qui n’a rien à voir avec les Français. Ils n’enragent que sur la Toile et en langue viet. Un Viet peut passer une heure à agonir le gouvernement viet sur le Web puis rejoindre ses amis français pour leur parler du dernier Besson. (Situation comparable avec celle de nos Iraniens ayant refusé de vivre dans leur pays passé aux mains des ayatollahs)

Les tensions sur le sujet des eaux territoriales Chine-Viet pourraient crisper les relations entre nos deux sous-groupes communautaires mais je pense que chacun convient déjà de l’inutilité d’importer ce conflit ici. Même si la Chine se saisissait des eaux viets, nos Viets n’iront probablement pas à brailler dans les rues de Paris et nos Chinois iront très vite à dire qu’ils n’y sont pour rien. 
 
La sphère politique est encore importante dans le Monde mais la sphère contractuelle (gré à gré, cas par cas, guanxi) ne cesse de la talonner.



Cela dit, votre exposé énumère des points connus déjà bien rebattus et n’apporte pas assez de nouvelles considérations ou mises en perspectives.

Il existe par exemple dans la structure même d’une langue (dans son écriture aussi), des clefs de comportement qui deviennent alors incontournables pour quiconque la pratique. 
En viet, le Je est absolument impliquant de soi (et donc de sa responsabilité) en même temps qu’il contient un sème de lien familial et social.
Lorsqu’un Viet dit à un Martien « Je parle à toi » son Je l’implique totalement pendant que Je et Toi indiquent déjà une communauté tant d’essence que d’existence.

La réification (chosification) en français est très facile à faire « C’est la bonne qui a fait la cuisine » ou « C’est un fou »
En vietnamien on dit « C’est la personne bonne qui a fait la cuisine » ou « C’est une personne folle »

En français, on dit couramment « T’es con » ou « T’es qu’une merde » 
La langue viet ne permet pas de réduire une personne ou un animal à une chose de l’ordre d’un organe ou d’un caillou. 

En Français on utilise le même article devant nuage que devant roi 
C’est impossible en viet 


Les mécanismes inclus dans la structure même d’une langue induisent des considérations différentes. Si différentes qu’il est détestable et très impoli, pour des Viets adorant la langue de Hugo, de se parler en français.
Nos pronoms et articles leur sont odieux. Nos catégorisations en masculin / féminin jusque sur des cailloux leur semblent délirantes de sexisme.
Le français permet de désigner une personne comme absolument sans rapport avec soi, de l’exclure du même Dasein que soi. Il permet de pratiquer une politique excluante et tranchante.
Le viet ne permet pas cette exclusion radicale. Le pire des individus appartient toujours au groupe dont il fait partie par nature. On ne peut pas transformer un humain en inhumain.

C’est donc une énorme pierre que les vieux Viets doivent mettre sur leur manière de concevoir les rapports pour consentir à converser avec des Français.
Il va de soi que les jeunes issus de Viets, parce qu’ils ont toujours pratiqué le français, n’y voient rien à redire des réifications françaises mais ils pigent à peine pourquoi leurs parents ont si peu papoté avec les Français (en dehors du commerce) et pourquoi ils ont été si discrets.

La langue viet a la caractéristique d’être la seule d’Asie à s’écrire régulièrement avec des caractères latins depuis 150 ans alors qu’elle est profondément non traduisible sur le plan relationnel. S’il y a quelque chose que cette communauté aura manqué de nous instruire c’est sa manière très différente de concevoir les relations.


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