Je passe quotidiennement devant un lycée au moment de la sortie des classes. J’entends beaucoup d’insultes, les élèves se traitent de tous les noms, mais je n’ai pas une impression de haine dans ces invectives, mais plutôt un concours de poésie populaire. On mesure qui est capable de sortir le plus gros mot, par vantardise, peut-être même par pure créativité débordante, un peu comme le Capitaine Haddock. Je ne trouve pas ça plus méchant que leur goût immodéré pour les films de zombies et de vampires, leur besoin de faire apparaître de l’hémoglobine sur leur écran. Dans une société ayant pour symbole un cadavre mutilé cloué sur une croix, ce n’est guère étonnant. Donc, les insultes ne sont qu’un résultat de cette glorification de la violence, qui n’est pas nouvelle : panem et circenses.
D’un autre côté, l’Ecole, avant la seule détentrice et distributrice du Savoir, se fait concurrencer par le Réseau. Mais, au lieu de s’adapter et de profiter de cette manne, elle boude, n’aimant pas trop la concurrence. Du moins une partie du corps enseignant, d’un certain âge et sévissant plutôt dans les sciences humaines que dans les sciences exactes. Les élèves, bien plus à l’aise qu’eux sur la Toile, dévient très souvent de la vérité académique au profit des opinions alternatives, le prof passe pour un vieux ringard, pas nécessairement à tort, ce qui n’arrange rien question respect.
Tout ça constitue un mélange explosif. Ce qu’il faut tout de même admettre, c’est que la violence verbale n’abaisse que celui qui la profère, et ne blesse que celui qui l’écoute. De plus, ses blessures ne sont pas irréversibles et jamais mortelles. Les insultes sont en fait même un exutoire à la violence physique, théorie à confirmer toutefois. Je pense qu’il va falloir, à un moment assez proche, choisir entre une société à haute permissivité verbale mais sanctionnant très sévèrement la violence physique, et une société courtoise et polie, mais qui institutionnalise la violence sous forme des guerres, des jeux mortels (koh-lanta !) etc . Pour ma part, je préfère, contrairement à la position officielle de plus en plus claire, la première solution.
Je viens de voir « Entre les murs », un film qui pose beaucoup de questions et suscite bien d’interrogations. Il est clair que le système actuel souffre d’une grave obsolescence. Il y a tout à revoir dans la relation élève-professeur. Autant l’un que l’autre doivent mieux assumer leurs responsabilités. Mais pour faire cela, il aurait fallu que l’Etat crée une atmosphère motivante. Hélas, actuellement on n’entend, de la part et d’autre, que des « à quoi bon ? ». Cette lassitude constitue un très grand danger et c’est contre elle que l’on doit lutter en priorité.
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