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HORCHANI Salah HORCHANI Salah 8 mai 2013 03:19

Comment Ennahdha [Parti islamiste au pouvoir] a vendu la Tunisie au Qatar (1/2)

Les ambitions planétaires du Qatar ne font plus de doute et sont visibles à l’oeil nu. Energie, immobilier, hôtellerie... et même le football ! Le Qatar est présent partout dans le monde et rachète à tour de bras les plus beaux fleurons des économies occidentales. Bénéficiant d’une incroyable complicité de la part de dirigeants politiques locaux pourtant démocratiques. Le nouveau statut du minuscule émirat du Golfe, où les qataris eux-mêmes représentent à peine 20% de la population, a changé spectaculairement depuis le lancement il y a 15 ans d’Al Jazeera, la chaîne d’information continue. Al Jazeera a préparé le terrain au « printemps arabe » et permis à l’émirat de surfer allègrement sur la vague des révoltes populaires qui ont balayé de puissants dictateurs arabes. Le Qatar ne cache plus ses ambitions planétaires. Et profitant de la bénédiction américaine, il intervient de plus en plus dans les politiques locales de ces pays pour assurer ses propres intérêts économiques et géostratégiques.

Partenariat économique ou retour d’ascenseur ?

En Tunisie, avec l’arrivée des islamistes d’Ennahdha au pouvoir, le tapis rouge a été déroulé aux Qataris. Et on ne compte plus les secteurs économiques investis par la puissance financière de l’émirat. D’aucuns attribuent l’emprise qatarie sur l’économie de notre pays à un retour d’ascenseur d’Ennahdha qui aurait bénéficié des largesses financières de l’émir et de son soutien sans failles pour l’aider à conquérir le pouvoir. Si cette ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Tunisie reste à prouver, il n’en demeure pas moins que la présence des qataris en Tunisie dépasse le cadre d’un partenariat économique classique et inquiète plus d’un Tunisien lorsqu’on voit la facilité et la rapidité avec lesquelles des projets importants et stratégiques sont attribués au Qatar par le gouvernement provisoire.

Mode d’emploi : avec Ben Ali ou Ennahdha, à la fin c’est toujours le Qatar qui gagne ! 

Le gouvernement reprend souvent des projets stratégiques dans des secteurs sensibles (énergie, mines, transport aérien...), dont certains ont été accordés sous Ben Ali aux qataris dans des conditions plus que suspectes, pour les offrir en cadeau aux mêmes qataris de manière encore plus favorable. C’est-à-dire sans appel d’offres, sans débat sur leurs enjeux économiques, écologiques... et sans passer par l’Assemblée nationale constituante qu’Ennahdha proclame pourtant à cor et à cri comme le seul lieu de la légitimité. Une partie de ce processus trouble se déroule souvent via des mémorandums d’entente, sorte d’accord de gré à gré passé discrètement à l’abri des regards.

Dans cet article nous tenterons d’expliquer, projet par projet, comment Ennahdha est en train de brader la Tunisie aux « frères » qataris.

Diar Qatar : Ben Ali a préparé le terrain, Ennahdha finit l’ouvrage

Diar Qatar est un méga projet immobilier (villas de luxe, parcours de Golf, marina, restaurants...) qui s’étend sur 140 hectares, au coeur des palmeraies, entre Nefza et Tozeur. Ce projet a été tout bonnement reconduit sans aucune modification par le gouvernement dominé par Ennahdha. Il faut dire qu’il avait été voté en 2010 par des gens de confiance, à savoir... le parlement de Ben Ali. Sans même que les députés qui l’ont voté ne soient au courant du montant de la transaction qui leur a été cachée par le ministre chargé de l’affaire ! Le projet est passé dans la foulée d’autres méga projets immobiliers (« Sport City » du groupe Abou Kathir près du Kram, « La ville des roses » du groupe émirati « Al Maabar » à Raoued, « La porte de la méditerranée » de Sama Dubai à l’entrée sud de Tunis...) généreusement octroyés à des opérateurs du Golfe. Ces projets présentés par la propagande benaliste comme des gisements d’emplois ont été très critiqués car ils représentent des forteresses isolées du monde extérieur, dont les infrastructures et les habitations sont économiquement inaccessibles aux Tunisiens, car destinées exclusivement à une clientèle fortunée de l’Europe ou du Golfe. Sans oublier leur coût écologique et urbain élevé.

Ces méga projets n’ont pas manqué de faire réagir -Z-, le célèbre caricaturiste et également architecte tunisien qui, déjà du temps de Ben Ali avait réservé une bonne partie de son blog, DEBATunisie, à dénoncer ces affaires aux relents mafieux. Diar Qatar ne semble pas échapper à cette règle. -Z- se pose de sérieuses questions sur le potentiel de développement d’un projet de villas de luxe dans une région pauvre, le qualifiant ironiquement de « Tourisme spatial ». Déjà en 2008, en plein soulèvement du bassin minier, il se demandait comment Diar Qatar pourrait « transformer nos mineurs en colère en cosmonautes d’élite. » En 2012, après la révolution, il est rejoint dans son scepticisme par des experts tunisiens de l’environnement qui exigent une étude sérieuse sur l’impact de projet sur l’environnement avant de démarrer les travaux. Le gouvernement provisoire, prompt à faire plaisir à ses amis qataris, a fait mine d’ignorer les dessous de ce projet de 80 millions de dollars, et ne semble pas concerné par son impact quasi nul sur le développement et l’emploi dans la région, encore moins ses conséquences potentielles sur le fragile écosystème de la région. Quand on aime (le qatari), on ne compte pas.

Raffinerie de pétrole de la Skhira : deux projets pour le prix d’un

Le projet de raffinerie à la Skhira est destiné à augmenter considérablement les capacités de raffinage de la Tunisie pour diminuer sa dépendance vis-à-vis de nos importations de brut et envisager même de répondre à la demande en hausse en raffinage du marché international. Ce projet qui a été lancé à l’ère Ben Ali a déjà fait l’objet d’un appel d’offres douteux remporté par les qataris de Qatar Petrolium. Le projet, initialement convoité par les algériens de la Sonatrach, était promis à Kadhafi - par l’entremise de Leila Ben Ali semble-t-il - mais des transactions occultes l’ont détourné à la dernière minute en faveur des qataris. Par la suite, sa mise en oeuvre a été retardée par une affaire de corruption dans laquelle serait impliqué Abdelwahab Abdallah, l’ancien conseiller de Ben Ali, qui aurait exigé des qataris le versement de commissions exorbitantes contre le démarrage du projet. La révolution a été bénéfique pour les qataris puisqu’ils récupèrent ce projet dans le cadre de l’habituel mémorandum d’entente. Le gouvernement provisoire, lui, n’a pas jugé utile de réexaminer les conditions douteuses du précédent appel d’offres, ni d’organiser un nouvel appel d’offres international pour obtenir la meilleure offre. Il a offert le projet de raffinerie de la Skhira dans un package avec un autre gros cadeau : le gisement de phosphates de Sra Ouertane. Le tout pour 7 milliards de dollars alors que dans le premier appel d’offres la réalisation de la raffinerie de Skhira était valorisée à elle seule à 6,3 milliards de dollars !

Mine de phosphates de Sra Ouertane : Ennahdha pire que Ben Ali 

Le projet Sra Ouertane est très prometteur. Cette mine située près du Kef produit du phosphate, matière première très demandée sur le marché mondial. En 2008, le gouvernement de Ben Ali avait déjà lancé un appel d’offres international pour mettre en concession 25% de la mine pour une valeur de 3 milliards de dollars. Selon les experts, les conditions d’exploitation de Sra Ouertane prévues dans l’appel d’offres de Ben Ali étaient loin de garantir parfaitement les intérêts de la Tunisie. Et voilà que le gouvernement actuel issu de la légitimité populaire gère avec encore moins de transparence le dossier stratégique de Sra Ouertane. En effet, la procédure de l’appel d’offres a été contournée pour laisser la place à une transaction directe entre Hamadi Jebali, le chef du gouvernement, et le prince hériter du Qatar conclue à Tunis à l’occasion de la visite de ce dernier en juillet dernier.

Le schéma est identique. On se met d’accord à travers la signature d’un mémorandum d’entente sans mettre en concurrence les qataris avec d’autres investisseurs locaux ou étrangers. L’affaire a été « liquidée » ni vu ni connu dans les coulisses de la Kasabh. Les qataris peuvent pavoiser car ils pourront exploiter non pas les 25% de Sra Ouertane prévus par Ben Ali mais la totalité de la mine ! Et lorsque le ministère de l’industrie est interpellé sur l’absence d’appel d’offres préalable, sa réponse est étonnante ! : les qataris assureront la mise à jour de l’étude de faisabilité du projet, très coûteuse pour être prise en charge par le gouvernement tunisien. Le ministère de l’industrie ne nous dira pas comment un candidat parmi d’autres à l’exploitation d’un projet puisse réaliser lui-même l’étude de faisabilité du même projet ! A l’évidence, on voit mal comment le projet Sra Ouertane échappera aux qataris. Et on imagine que l’appel d’offres international ne sera qu’une formalité. Puisque tout a déjà été décidé à l’avance dans les alcôves de la Kasbah. De quoi nous rappeler les détestables pratiques du régime de Ben Ali. Et dire que le gouvernement « légitime » nous a inlassablement matraqué avec ses discours zélés sur la transparence et l’intégrité des nouveaux gouvernants de la Tunisie. En attendant, Sra Ouertane s’ajoute à la liste des joujous qataris dans notre pays.

Gaz de schiste : le ministre roule pour Shell et c’est le Qatar qui rafle la mise

L’empressement du gouvernement à autoriser Shell à exploiter le gaz de schiste en Tunisie et le zèle produit par le ministre de l’industrie, Mohamed Lamine Chakhari, à défendre le dossier du géant pétrolier ont étonné la plupart des observateurs. Et voilà que les intentions qataries de mettre la main sur Shell confortent les doutes sur l’attitude de Chakhari. Car le Qatar, déjà actionnaire dans Shell à hauteur de 3%, envisage de devenir prochainement son premier actionnaire en portant sa participation à 7%. Donc Shell c’est le Qatar et notre gaz de schiste national tombera dans l’escarcelle des émirs du minuscule émirat du Golfe. De quoi alimenter davantage les accusations faites à Ennahdha sur ses relations douteuses avec le Qatar. (à suivre).


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