Voilà un article, qui ne va pas faire plaisir a reboul et jdch, qui nous serinent à longueur de journée les bienfaits de la libre concurrence et de la mondialisation triomphante. Mais justement les patrons ils n’en veulent pas de la libre concurrence, surtout si cela va à l’encontre de leurs intérêts, pas folle la guêpe, elle préfère que se soient les particuliers qui payent à leur place. Ha !les joies des règles du jeu que l’on modifie à la demande.
« EDF et l’affaire du « droit de retour »
Où l’on assiste à une périlleuse manipulation due au double discours des entreprises et à la faiblesse des politiques
Philippe chalmin
Professeur d’histoire économique a l’université paris-dauphine
La France a bien du mal à assimiler les règles !es plus simples de l’économie de marché. Chaque fois que cela est . possible, elle lui préfère la relative opacité de l’économie administrée. Les entreprises, qui pestent en général centre les contraintes et les pesanteurs publiques, ne sont pas les dernières à vouloir à la fois « le beurre du marché et l’argent du beurre de l’État ». C’est ce qui se passe avec l’affaire du « droit de retour » des consommateurs d’électricité.
Un bref rappel. Dans le cadre de la libéralisation des marchés européens de l’énergie, la France a été amenée à remettre en cause le monopole de distribution de l’électricité dont bénéficiait EDF. Dans un premier temps, seules les entreprises et les clients industriels ont pu bénéficier de cette opportunité. Un certain nombre de prestataires se sont développés, sociétés indépendantes ou filiales d’autres électriciens européens.
N’ayant pas en général leur propre production, ils s’approvisionnaient sur le marché libre européen qui était à l’époque en pleine restructuration avec l’apparition des premiers marchés dérivés comme le Nord Pool ou Powernext, Sur ces marchés souvent résiduels, le prix qui se forme est celui du dernier kilowattheure (kwh) disponible, et les fluctuations peuvent être importantes. Le pris est en général celui des centrales thermiques mixtes gaz/fioul et par ce biais il y a une corrélation entre le prix du kWh et celui du pétrole.
A l’époque de l’ouverture du marché français, les prix européens étaient inférieurs au tarif que pratiquait EDF. Un certain nombre d’entreprises firent alors le choix du marché. Avaient-elles bien compris les nouvelles règles du jeu ? En fait elles abandonnaient la stabilité du prix géré pat un quasi-monopole et préféraient l’instabilité du marché en « spéculant » sur une baisse des prix à moyen terme. Le mot de spéculation est utilisé ici à dessein, car il s’est agi alors d’un choix spéculatif même si, dans nombre de cas, il fut inconscient.
Chaque fois qu’un consommateur fait le choix de l’instabilité, il rentre dans la logique du risque et donc de la. Spéculation, voilà donc nos entreprises soucieuses de se libérer du « monopole EDF » et en fait spéculant à la baisse du prix de l’électricité, au moins en tout cas en dessous du tarif régulé.
Tout fonctionna très bien au début, mais le troisième choc pétrolier passa par-là. Les prix de l’électricité grimpèrent en Europe. Les entreprises, qui avaient spéculé à la baisse, virent au contraire leur facture énergétique augmenter souvent de manière spectaculaire. Tant pis pour elles, dirait un libéral.
Heureusement nous sommes en France ! Ces entreprises Couvèrent quelques appuis politiques, quelques oreilles compatissantes et prêtes à ramener ces brebis égarées dans le droit chemin des tarifs administrés. C’est ce qui va être fait dans le cadre d’an amendement rajouté à la loi sur l’énergie en discussion cette semaine au Parlement ; les malheureux pourront retrouver les joies de la stabilité de leur électricité, à un prix seulement un peu supérieur à celui d’EDF.
Mais comment faire ? Leurs fournisseurs actuels ne peuvent vendre à perte et si EDFse.substitiiait à eux, ce serait, là. reconstituer un monopole honni par Bruxelles. En effet EDF a un avantage en matière de prix de revient (basé sur le nucléaire) dont ne disposent pas ses concurrents. La solution trouvée est admirable dans la grande tradition « taxatrice » française. EDF, « indirectement Suez par le biais de la Compagnie nationale du Rhône qui dispose d’an parc hydroélectrique, vont subventionner leurs concurrents à hauteur de la différence entre le prix de marché et le nouveau tarif.
Cela, selon de premières estimations faites sur la base des prix de 2005, pourrait représenter un montant annuel de 700 millions d’euros, à 95 % pour EDF une entreprise publique et donc un cou à partager entre tous les Français ! Sans compter ce paradoxe que cela revient î taxer de l’énergie « propre » (nucléaire hydroélectricité) en subventionnant les centrales les plus marginales... et les plus polluantes. Mais soyons bien clairs. Ce qui est critiquable dans cette manipulation, c’est le... double langage tenu par les entreprises et c’est la faiblesse des politiques. Le « droit de retour » est une véritable escroquerie et pas seulement intellectuelle. Cela ne préjuge en rien du débat qui sera nécessaire en Europe, à propos du stator exact de l’électricité - bien public ou commodité de marché -, à la lumière de quelques libéralisations peu réussies comme aux Etats-Unis.
Le monde est plus complexe que ne l’imaginent certains des ayatollahs libéraux qui règnent à Bruxelles. Mais la capacité du génie français à transcender ces complexités est confondante. Cet admirable « droit de retour » nous en offre une nouvelle preuve.
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