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Bernard Dugué Bernard Dugué 21 novembre 2006 18:18

Voilà ce que j’écrivais en 2001 sur les trois pouvoirs. Aurai-je inspiré Attali ?

Si on veut concevoir une Civilisation à la hauteur des capacités spirituelle de l’homme, il faut prendre en considération la dimension éthique, sinon, on se contente d’une société d’atomes fonctionnels, limités par la loi de l’Etat, travaillant, produisant, s’insérant telle une cellule dans le grand organisme global, sorte de foie social fabricant les composants de l’architecture fonctionnelle technologique, paradis des profiteurs et enfer pour les exploités. Il existe donc un choix entre une Société et une Civilisation. Celle-ci comprend trois pouvoirs.

Le pouvoir économique, saducéen, c’est en quelque sorte le pouvoir de la monnaie associé à la technique et à une juridiction héritée du droit romain, pour organiser les règles du commerce, des hommes, des biens, des capitaux.

Puis il y a le pouvoir politique, double, pharisien pour ce qui est de la Loi négative qui empêche les hommes de se nuire en suivant leur libido désirante et dominatrice (voir Girard pour une lecture laïque et anthropologique des Ecritures) et impérial pour ce qui est de l’usage de la force militaire garantissant la paix (cela dit, la paix romaine ne se soucie peu des luttes entre hommes). Au moment machiavélien et hobbésien de la politique, la Loi pharisienne, reposant sur la contrainte de Dieu, est transférée vers l’Etat qui devient l’exécuteur testamentaire des commandements de Dieu, lesquels se transforment avec la raison humaine et l’homme commence à acquérir des compétences pour gérer un ordre global autant que local, avec des lois raisonnées pour arbitrer les conflits. Montesquieu parachève la constitution du pouvoir politique moderne fondé sur la force de la loi, et la loi de la force, autrement dit, l’Etat de droit, législatif, judiciaire, exécutif. L’alliance entre les Etats-Unis et Israël symbolise la rencontre de la puissance impériale et de la Loi.

Le pouvoir éthique est le pouvoir de la Loi accomplie substantiellement, dans l’homme. Il ne peut s’abîmer dans la Loi négative. L’édifice hégélien était bancal. Le pouvoir éthique est le pouvoir de l’homme qui progresse spirituellement, entre ombre et lumière, avec les tentations métaphysiques et les points d’arrivée sanctifiés par la grâce. Si le pouvoir économique repose sur des actions techniques et matérielles, le pouvoir politique est par essence lié à des actions mettant l’homme au centre et comme point d’impact. La guerre comme action politique et la Loi comme interdit social, avec ses ramifications juridiques. La Loi négative et la Guerre positive sont les deux faces de la puissance politique, martiale. Enfin, l’Ethique et son pouvoir caractérisent ce qui n’est, ni économique, ni politique, ce qui n’a aucune finalité matérielle (rapport entre l’homme et la matière) ou bien humaine (rapports entre hommes). L’Ethique est un pouvoir dont la finalité et la réalisation appellent des attributs et des structures propres que l’on connaît en partie, qui se sont déployés au cours de l’Histoire, qui se sont métamorphosés et que le monde technique et l’ignorance contemporaine ont mis de côté, ensevelissant ces éléments subtils sous le raz-de-marée permanent du spectacle ! (Notons que l’ignorance ordonnée par les nouveaux programmes participe à cet oubli de l’éthique) Au cours des siècles, il y eut un pouvoir censé se prévaloir de l’Ethique : l’ordre religieux, celui-ci assurant les deux fonctions, éthique et politique, en coopération ou en rivalité avec le pouvoir martial des hommes (on consultera l’ouvrage de Quentin Skinner qui fait le point sur la naissance de l’Etat moderne au milieu de ces frictions entre Prélats et Princes). Une question se pose : de quelles institutions, constitutions ou structures a-t-on besoin pour donner un cadre et un moyen pour que se développe l’Ethique, définie partiellement comme l’ouverture du champ humain vers l’Autre, vers une aspiration au dépassement, à quelque chose qui ne se réduit ni à une réalisation technique (ou une acquisition utilitaire) ni à une action mettent en jeu des rivalités. On notera que l’homme, dans son orgueil, est un obstacle face à l’Ethique car il craint de ne plus être au centre des regards et que le spectacle ne peut que renforcer ce phénomène. Ce faisant, l’homme orgueilleux empêche les réalisations éthiques de se déployer, dans les domaines où la création est de mise, comme en science (voir le sort de Beljanski) et surtout en Art. Les plus importantes réalisations humaines se sont faites sous l’égide de protecteurs, mécènes ou bien structures. Ce n’est pas un hasard si François 1er créa le Collège de France, pour donner une chance au savoir alors qu’il savait que la promiscuité et les luttes intestines dans l’Université ne pouvaient qu’être préjudiciable au développement du génie intellectuel. Le chantier contemporain de l’Ethique ne se limite pas au savoir. Il est immense et je laisse quelques sillons pour signifier qu’il va falloir semer et irriguer, conformément à la parabole bien connue...

Annexe : La signification du WTC

Ce qui se joue, c’est vieux comme le monde, quatre Symboles, Babylone, Rome, Athènes, Jérusalem, autrement dit, (1) la matérialité et la luxure artificielle du capitalisme qui, ça et là, crée des jardins artificiels, avec des fruits technologiques que l’on consomme et que l’on utilise pour édifier des tours, (2) le pouvoir martial impérial, police, armée, administration, bref, Rome est ses succursales, (3) la Loi négative qui encadre les relations et donne une forme civile aux sociétés, celle-ci étant pour une part héritée de Dieu, avec l’Ancien Testament, et élaborée par l’homme, avec le travail de la Raison et de la dialectique. La Loi négative est à double face, immanente et transcendentale, à double origine, héritée d’Athènes et de Jérusalem et ici, j’inclus le Coran qui a toute sa place dans ce dispositif parabolique qui relie plus de 2000 ans d’Histoire, (4) enfin, la Loi éthique substantielle, incarnée par Jérusalem dans le Nouveau Testament qui est des trois Livres le Livre éthique par excellence, l’Ethique concrète, et non pas légale, bref, ce qui est né au sein des esséniens...un individu nommé Jésus.

Dans ce contexte, difficile de ne pas voir dans les récents attentats le double symbole, avec la chute des deux tours de Babel, incarnant aussi les jumeaux Nasatya de la matérialité, dieux du panthéon védique, et le déclin de Rome, incarné par la Maison Blanche, heureusement épargnée (imaginez si l’objectif avait été atteint, la colère de G.W. Bush, le pire) et le Pentagone comme centre de l’administration militaire. On notera au passage que Bush n’a rien d’un Marc Aurèle et que les Américains feraient mieux de regarder celui qui incarne le déclin éthique du monde contemporain ! Je m’arrête là car il est pénible d’avoir à commenter des événements aussi tragiques. De toute façon le mal est fait, alors autant qu’il serve à méditer et qu’on puisse en tirer une leçon au-delà de cette soupe manichéiste que nous a servi le Président de la première puissance, prêt à se réclamer du Bien qui lutte contre le Mal, ignorant tout de la théologie moderne et de la mythologie antique, avec Indra, Mitra et Varuna.


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