• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


Layly Victor Layly Victor 11 mars 2015 20:10

Alinea

Je voudrais juste vous témoigner mon soutien et apporter un petit témoignage. J’ai eu des liens très forts avec le monde des paysans pauvres, en plusieurs endroits et à plusieurs époques. Je leur dois beaucoup. Ils m’ont aidé à ouvrir les yeux sur la vraie vie.
Je suis triste d’assister à la disparition de ce monde qui a été à l’origine de notre culture, dans l’indifférence générale. J’ai vu son évolution depuis les années 60 jusqu’à nos jours.
Les gens étaient beaucoup plus pauvres. Je connaissais une famille, sur les coteaux du Tarn entre Albi et Gaillac, qui vivait sur une petite exploitation (maïs, blé, vigne, volaille, à l’ancienne). Quand j’étais étudiant (parisien), j’allais souvent en vacances chez eux et je les aidais dans les champs. Mathilde, la mère, était étonnante. C’était la plus dure au travail, et en plus elle rentrait un peu avant nous pour faire la cuisine, rangeait, débarrassait, et était la première repartie en plein cagnard. La vieille bâtisse était assez délabrée, mais c’était le plus bel endroit du monde. Ils étaient tellement pauvres qu’ils roulaient avec des pneus lisses qui crevaient sans arrêt.
Des quatre enfants, un est devenu informaticien, l’autre prothésiste dentaire, le troisième commercial, et la fille s’est mariée avec un cadre commercial. Ils vivent tous dans des maisons modernes et confortables. Ils ne se sont pas tués au travail comme leurs parents, même s’ils ont eu leur lot de stress et de soucis. Mathilde est décédée à l’âge de 99 ans. Depuis, la vieille bâtisse qui tombe en ruine attend le règlement de l’héritage pour être probablement rasée.
J’ai aussi connu un vieux paysan en retraite, parce que je lui louais sa ferme comme maison d’habitation, entre Cadenet et Villelaure, dans le Vaucluse. J’étais étonné par ses connaissances et son savoir faire. Villelaure, c’était la capitale des asperges, parce que le terrain sablonneux en cet endroit s’y prête. Il me disait que ce n’était plus possible de trouver un seul jeune dans le village pour travailler aux champs. D’ailleurs, autour de Villelaure, il y a surtout des lotissements de nos jours car, de village d’agriculteurs, il est devenu un village dortoir pour ceux qui travaillent dans des bureaux à Aix et Marseille, comme tous les villages du coin. L’agriculture du Vaucluse s’est effondrée.
Enfin, j’ai été très ami avec un couple en haute Provence (plateau d’Albion), tous deux enfants de paysans pauvres. Lui, il avait choisi d’être maçon. C’était un gros travailleur. Je dirais même, un travailleur impressionnant. J’ai eu quelquefois l’occasion de l’aider sur un chantier, et j’étais en admiration devant sa vivacité et son énergie. Je me tuais pour être un peu à sa hauteur. Ils étaient très pauvres à leurs débuts. L’endroit, pourtant un gros bourg (Sault de Vaucluse) n’avait même pas l’eau courante. Dans leurs premières années de mariage, ils passaient leurs dimanches à des activités diverses pour joindre les deux bouts, par exemple ramasser des amandes qu’ils revendaient aux pâtisseries.( Il y a belle lurette qu’il n’y a plus aucun amandier en Provence : pas rentable. Ni d’ailleurs aucun cerisier). Leur fille a fait un doctorat en biologie et elle travaille pour un laboratoire qui vend des souris transgéniques. Elle a une très belle situation.

Ceci me laisse perplexe, avec un fond de tristesse. Certes, ils étaient beaucoup plus pauvres que maintenant. Certes, leurs enfants ont de bonnes situations et vivent dans un confort bien meilleur (souvent les enfants de paysans font de bonnes études car ils ont le goût de l’effort).
En tout cas, à part de rares exceptions, ils ne veulent plus vivre la vie de leurs parents. Ce n’est pas Bruxelles qui leur impose cette attitude, c’est le découragement, et on peut les comprendre.
Je ne sais que dire sur la PAC. D’un côté, les agriculteurs qui surnagent vivent dans un bien meilleur confort. Ont-ils une vie plus facile ? Je ne sais pas. Quelquefois, en pensant aux vignes d’autrefois qui sont arrachées, en pensant aux amandiers d’autrefois qui faisaient à la Provence une robe de mariée, en pensant aux troupeaux, aux oies et aux poules dans les cours, à tout ce qui était délicat et vivant, je me dis que nous avons tous perdu beaucoup.


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès