« Si l’apprentissage des langues étrangères est poussé à fond de manière à profiter à l’esprit, il demande un temps immense. S’il est superficiel, il n’apporte rien à la culture intellectuelle. »
Ça, c’est signé Antoine Meillet, éminent linguiste, professeur au Collège de France, auteur de « Les langues dans l’Europe nouvelle » (Paillot, 1918).
Il avait par ailleurs écrit, dans le même ouvrage : "La possibilité d’instituer une langue artificielle aisée à apprendre et le fait que cette langue est utilisable sont démontrés dans la pratique. Toute discussion théorique est vaine. L’espéranto a fonctionné, il lui manque seulement d’être entré dans l’usage pratique.“
En fait, bien qu’il y ait eu des applications avant 1918, même dès les premières années du siècle dernier, l’espéranto est entré dans l’usage pratique entre les deux guerres mondiales dans beaucoup de domaines. Il y avait eu une importante conférence à ce sujet en 1937 dans le cadre de l’Exposition Internationale des Arts et des Techniques dans la Vie Moderne, à Paris, donc après la mort d’Antoine Meillet (1936). Je possède le rapport de 142 pages, en espéranto, des travaux de cette conférence. Il se divise en quatre sections :
Enseignement et éducation scolaires et post-scolaires
Sciences pures et appliquées (présidée par le prof. Aimé Cotton, vice-président de l’Académie des sciences ; parmi les participants, il y avait, entre autres, l’avionneur Henri Farman, André Baudet, président de la Chambre de Commerce de Paris, Maurice Rollet de l’Isle, ingénieur général de la Marine...)
Échanges commerciaux internationaux
Échanges intellectuels.
Voeu de la 1ère Commission :
A) Enseignement obligatoire dans les écoles du 1er degré, dans les Écoles Normales et les Écoles Techniques ;
B) Dans l’enseignement secondaire, grands avantages pour la préparation à l’étude des langues vivantes ;
C) Dans l’enseignement supérieur, autoriser les professeurs des Facultés qui le désirent à faire des cours facultatifs à leurs élèves (comme au Japon). Par la suite créer en Sorbonne une chaire d’Interlinguistique (Histoire et évolution de la langue auxiliaire).
Résolution de la séance plénière :
La conférence, considérant que les États modernes ont besoin d’un moyen facile d’intercompréhension et que la Langue Auxiliaire Esperanto possède toutes les qualités nécessaires pour remplir ce rôle,
Demande aux Gouvernements des divers États d’introduire à titre obligatoire l’étude de la L.E. dans les classes primaires (12 à 14 ans), cette étude donnant à l’élève une meilleure connaissance de sa langue maternelle et la possibilité d’entrer en contact avec le monde entier, développant le goût de la géographie, et étant par surcroît une excellente préparation pour l’étude des langues vivantes dans l’enseignement secondaire."
Là aussi, il n’est pas possible d’entrer dans le détail et de taper et de traduire les 142 pages de ce rapport.
Ceux qui affirment que les persécutions et les guerres ont compté pour des prunes dans la propagation de l’espéranto montrent le degré de leur ignorance. Or, l’espéranto a eu bien d’autres obstacles à vaincre, et la connerie humaine, dont nous avons eu ici un échantillonnage, n’a pas été le moindre. L’historien Jean-Claude Lescure a travaillé sur ce sujet, mais un travail encore plus approfondi devrait voir le jour dans un temps encore indéterminé.
Ce que je remarque, à présent, c’est que le point « C » du voeu ci-dessus est en application, maintenant... en Chine. Bien sûr, ce n’est pas du côté des autorités françaises qu’il faut s’attendre à un réveil.
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