Mon cher confrère,
Puisque vous écrivez un roman en ligne vous êtes donc un confrère — et comment ne pas écrire un roman en lignes ? Ce serait alors de la calligraphie plus que du roman —Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous.
L’intérêt du « Net2.0 », ce n’est pas le 2, c’est précisément le « .0 », et ce zéro pointé stérilise par avance toute économie possible.
Le contenu coopératif, comme ici sur Agoravox, relevant évidemment du domaine public ou d’une licence Creative Commons, ne saurait rapporter quoi que ce soit à ses auteurs, ni vous ni moi. Ici c’est le jeu. On l’accepte ou pas. Mais ailleurs ? Sauf à instaurer une Licence Globale pour rémunérer le « contenu non-coopératif » cette nouvelle économie ne peut s’organiser qu’en parallèle du Net, quel que soit son numéro puisque, légalement ou pas, sur le Net tout est copiable.
A moins d’inventer un Net3, genre de « tunnel » spécialisé en produits culturels et réservé aux gens prêts à payer pour se passer de la pub, on ne pourra jamais rémunérer les auteurs pour la réalité de ce qu’ils créent mais uniquement pour l’attrait que leurs oeuvres exerceront sur les troupeaux de consommateurs cliquant sur des publicités incontournables.
Ce procédé marketting n’aura plus rien à voir avec le talent d’un quelconque auteur de contenu, romancier cinéaste ou musicien, mais avec la curiosité parfois malsaine, l’inattendu, le joke, ou l’horreur d’un fait divers, exactement comme les journaux télévisés ne donnent jamais les nouvelles heureuses. Chacun sait que les trains qui arrivent à l’heure ne font pas d’audimat.
A mon humble avis c’est la mort assurée, à court terme par étouffement, du Net_n.0 et de la création. Car le premier ne peut pas vivre sans la seconde mais la seconde encore moins du premier.
Les contenus intelligents et dignes d’intérêt sont en fin de compte relativement rares sur la toile, proportionnellement au nombre gigantesque de sites existants mais sans contenu digne de ce nom. Agravox comme Wikipedia sont des exceptions dont l’originalité est précisément le contenu « co-rédigé ». Mais une journée ne compte que 24 heurers pour tout le monde et il ne saurait y en avoir des milliers comme ça sous peine de diviser le succès des pionniers. Au bout du compte, qu’y gagnera l’internaute quand il n’y aura plus personne pour tenter l’aventure ? Ca restera un hobby pour quelques amateurs, rien de plus. Une économie viable sur un Net2.0 ne se vérifiera jamais que pour quelques très gros sites. La pub façon Google fait pour l’instant illusion, mais on ne surfe pas pour les publicités. Ceux qui misent là-dessus font des châteaux en Espagne. L’important reste et sera de plus en plus la qualité du « contenu ».
La première « bulle » Internet a implosé par la dépression due au vide qu’elle ne parvenait plus à cacher aux investiseurs imprudents. Maintenant, nous sommes en train de délirer sur du trop-plein populaire qui ne paiera jamais les frais du contenant nécessaire.
Ce n’est pas une seconde « bulle » contrairement à ce que vous laissez entendre, mais un énorme malentendu. La réalité reprendra vite ses droits. Tout comme les auteurs de contenus non-coopératif. Car, vous en savez certainement quelque chose : écrire en une demi-heure cinquante lignes sur un sujet, c’est un article à la portée de presque n’importe qui. Ici, c’est la masse des échanges qui crée l’intérêt du site. Quoique le niveau soit élevé c’est plus rarement leur pertinence informative ou leur style littéraire. Mais construire seul un roman ou un ouvrage documenté de 200 ou 300 pages, c’est au minimum trois mois d’écriture et parfois plusieurs années de recherche. Personne de sensé ne donnera gratuitement ce travail en pâture à la pub. En tous cas pas en premier lieu. Notre maître à penser (enfin le mien, j’imagine le vôtre aussi ?) Joêl De Rosnay lui-même, pas fou, n’a mis en ligne gratuitement son bouquin « La Révolte des ProNetaires » qu’après en avoir vendu déjà plusieurs dizaines de milliers en librairie. Et il s’appelle De Rosnay, pas Soullard ni Minier. Il faut croire qu’il est beaucoup plus intelligent que nous.
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