@ tous
« On en est resté à l’idéalisation des parents et de leurs exigences, qui peut aisément être transposée au Führer ou à l’idéologie correspondante. Étant donné que les parents ont toujours raison dans ce qu’ils exigent, ce n’est pas la peine de se casser la tête à chaque fois, pour savoir si leur exigence ponctuelle est également juste. D’ailleurs, comment pourrait-on en juger, où trouverait-on les critères, quand on s’est toujours laissé dire ce qui était bien ou mal, que l’on n’a jamais eu l’occasion de faire l’expérience de ses propres sentiments, et qu’en outre toutes les velléités [sic] de critique que les parents ne supportaient pas présentaient un danger mortel ? Si l’adulte n’a rien bâti qui lui soit propre, il se voit livré pour le meilleur et pour le pire aux autorités, exactement comme le nourrisson aux mains de ses parents ; un « non » opposé aux détenteurs du pouvoir lui paraît à tout jamais mortellement dangereux. »
Hannah Arendt, qui s’est tant révoltée à l’observation d’Adolf Eichmann en qui elle a cru distinguer la « banalité du mal », n’a jamais pu comprendre réellement comment un tel homme pouvait exister[127]. Et pourtant, il en existe beaucoup tels que lui[128].
En effet, pour Miller[129] :
« On peut considérer que le « trait de génie » de Hitler consista à donner aux Allemands, éduqués si tôt à la dureté, à l’obéissance et à la répression des sentiments, les juifs comme objets de leurs projections [voir les pages 99 et ss. concernant le mécanisme de dissociation et de projection]. Mais l’utilisation de ce mécanisme n’avait rien de nouveau. On a pu l’observer dans la plupart des guerres de conquête, dans l’histoire des croisades, de l’Inquisition, et même dans l’histoire la plus récente [je me risquerai ici à dire : le génocide rwandais]. Mais on n’a guère pris la peine de voir, jusqu’à présent, que ce que l’on nomme l’éducation de l’enfant repose en majeure partie sur ce mécanisme et, inversement, que l’exploitation de ce mécanisme à des fins politiques ne serait pas possible sans ce mode d’éducation. Le trait caractéristique de ces persécutions est qu’elles relèvent d’un domaine narcissique. C’est une partie du moi que l’on combat, et non pas un ennemi réellement dangereux, comme par exemple dans le cas d’un réel risque de mort. »
Je terminerai sur le point de l’Allemagne d’Hitler, en revenant sur la sensibilité en tant que faculté permettant de refuser de faire le mal. Le passage suivant des écrits de Miller est, encore une fois, éloquent à ce propos[130] :
« Des êtres sensibles ne se laissent pas transformer du jour au lendemain en exterminateurs. Mais dans l’application de la « solution finale », il s’agissait d’hommes et de femmes qui ne pouvaient pas être arrêtés par leurs propres sentiments parce qu’ils avaient été éduqués dès le berceau à ne pas ressentir leurs propres émotions mais à vivre les désirs de leurs parents comme les leurs propres. Enfants, ils avaient été fiers d’être durs et de ne pas pleurer, d’accomplir « avec joie » toutes leurs tâches, de ne pas avoir peur, autrement dit, dans le fond : de ne pas avoir de vie intérieure. »
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