Je vis dans une petite commune où la « gauche » PS/PC/EELV/DivG tient les manettes depuis une dizaine d’années. Commune vieillissante enclavée au sein d’un département rural à l’écart. Ici, on est en plein régime féodal. Le piston chauffe sans relâche, les magouilles sont quotidiennes, la fiscalité est explosive, l’économie locale a coulé depuis bien longtemps, excepté la vente de drogue qui s’opère impunément, au vu et au su de tous. Ce qui fut une pittoresque rue commerçante est devenue le domaine des dealers. Cette commune est une préfecture, elle abrite le Conseil général et les multiples administrations qui en découlent, qui sont les seuls pourvoyeurs d’emplois, ainsi que la Municipalité. Ici, on n’est pas nombreux (de moins en moins, la commune a perdu 2500 habitants depuis 2011, et depuis plus longtemps, un nombre incroyable de PME, d’artisans et de commerces de proximité), dans le centre tout le monde se connaît, on sait à qui échoient les postes fonctionnarisés et qui se tape les contrats précaires, à qui sont attrbibués les logements sociaux « bien habités » et qui écope des voisinages pourris.
Aux dernières Municipales, la « gauche » et le FN étaient au coude à coude. Ma ville compte peu de vieux riches, ce sont essentiellement des petits fonctionnaires et des ouvriers retraités, des « classe moyenne ». On y trouve quelques bobos, parmi des babas-cools de tous les âges, énormément de précaires, chômeurs, RSAstes, familles monoparentales, petits retraités au minimum vital, beaucoup de marginaux, la jeunesse étant partagée entre locaux peu dégrossis et ados et post-ados issus de l’immigration, Maghreb, Afrique, pays de l’Est, dont les familles se sont trouvées parachutées ici pour des questions d’accès au logement. Jusqu’à présent, le FN n’avait pas droit de cité ici, il y était même très mal vu. Mais le déclin rapide de la ville, sous une municipalité de « gauche » truffée d’incompétents, qui a conduit une politique clientéliste, laxiste, accompagnée d’une explosion de la fiscalité, la montée d’une insécurité, l’impunité des trafiquants de drogue, le laisser-aller et l’état d’abandon de certains quartiers, a conduit le FN à devoir se mesurer à la « gauche » au second tour.
Un « Front républicain » s’est constitué pour lui faire barrage. Retour donc d’une « gauche » où l’on retrouve les mêmes noms, les mêmes vieilles familles, les mêmes bons copains des bons copains que dans la municipalité précédente, des individus qui n’ont jamais bossé à l’usine ni sur un chantier, qui sont tous, y compris les communistes, de gros propriétaires fonciers roulant en grosse cylindrée exotique, dont la plupart n’a qu’une adresse « légale » en ville, mais qui habitent de confortables baraques dans les tranquilles villages voisins, pendant que les purotins qui ne les ont pas élus se partagent les p’tits boulots et survivent du RSA.
Du temps où la « droite » était aux manettes, la ville a connu une expansion sans précédent, le petit commerce était florissant et les emplois n’avaient pas besoin d’être aidés. Une vie culturelle riche et variée attirait un grand nombre de touristes, et il se construisait autre chose que des HLM appartenant à des offices relevant de multinationales... Mais cette municipalité s’est effondrée dans le scandale et les magouilles retentissantes, le maire s’est tué dans un accident de la route où, en état d’ébriété, il a tué une autre personne. Ce fait-divers glaçant, indépendant de la politique, est demeuré dans les mémoires, et dans l’imaginaire collectif, la droite est associée à la colossale dette laissée par cette municipalité. La « gauche » féodale locale ne pouvait que tirer profit de ce passé. Ses élus sont bien les seuls ici à en profiter, et ils le font grassement, au travers des mandats qu’ils cumulent au sein de la communauté de communes, vaste escroquerie qui est en train d’étendre les conséquences du naufrage de notre ville aux localités et cantons avoisinants...
Aujourd’hui, passé sept heures du soir, il n’y a plus un chat en ville, la vie culturelle se résume à des bals-pop’ estivaux où le DJ officiel, appointé par la mairie, fait vendre des bières au son d’une variétoche ringardes datant des années 80, seuls exposent et ses produisent dans les galeries « associatives » des graphistes, plasticiens locaux dûment encartés (auxquels personne ne s’intéresse), et il y a bientôt plus d’assos’ sans but lucratif qu’il n’y a d’habitants. Celles-ci sont pour beaucoup aux mains de babas-cools sur le retour. J’en ai vu certains payer leurs courses avec le chéquier de leur assos’...
Je ne tire pas de conclusion. Pour ma part ça fait belle lurette que je ne me prête plus au jeu de dupes républicain, pas plus que je ne me joins aux causeries nocturnes à la mode, partant de l’idée logique que si l’on est collectivement mécontent de ce qui se passe, on s’entend collectivement pour faire en sorte que ça aille mieux, le faire par l’action... et en parler seulement après.