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Christian Labrune Christian Labrune 11 octobre 2016 23:03

Robin Guilloux,
J’ai lu en diagonale un certain nombre de réactions. Alain, ce serait une autre époque, un autre monde, une autre pédagogie, et à chaque société conviendrait une pédagogie qui lui ressemblât.
Je m’inscris en faux contre de telles assertions. Ou bien on veut former le jugement et transmettre une culture, ou bien on veut conditionner les jeunes pour les adapter au monde flottant des croyances et des idéologies du moment. Le totalitarisme mou qui caractérise notre système a opté pour la seconde solution, qui est la négation même de la culture.
De la paideia des Grecs jusqu’à Alain, il y a plus de deux millénaires de réflexion sur la formation des intelligences ; les objectifs, à quelques nuances près, restent à peu près les mêmes. L’homme est probablement condamné à disparaître avant la fin de ce siècle, mais de l’époque où Alain exerçait encore son activité jusqu’à nos jours, l’homme n’a guère changé, et les ambitions de l’instruction publique auraient dû rester les mêmes.
Instruire, on ne le redira jamais assez, c’est permettre à des êtres jeunes que leur nature induirait plutôt à la paresse, d’affronter la complexité des choses et, peu à peu, d’éprouver du plaisir à cet exercice. On admet cela dans le sport, et on y encourage même la compétition qui souligne pourtant de la manière la plus évidente l’inégalité des dispositions physiques. On ne l’admet plus dans les activités qui mettent en jeu l’intelligence, et les conséquences en sont désastreuses.
Il y a déjà longtemps que je n’enseigne plus, mais je me souviens quand même qu’il m’arrivait souvent, au début d’un cours, d’annoncer qu’on allait étudier quelque chose de particulièrement difficile. Eh bien, contrairement à ce que penseraient nos modernes « pédagogues », il n’y avait pas de protestation. Les élèves se sentaient plutôt plutôt flattés qu’on ne les jugeât pas indignes de Mallarmé ou de Valéry, qu’on ne voulût pas « se mettre à leur niveau » qui, de fait, était quand même rarement satisfaisant ! Les programmes d’aujourd’hui, et la plupart de ceux qui se préoccupent de « pédagogie » méprisent radicalement l’élève et veulent le tenir attaché tout en bas de l’échelle du savoir commun. Alain était un remarquable pédagogue, mais radicalement différent de ceux qui, aujourd’hui, se piquent de l’être, parce que son art ne se réduisait pas à une suite de recettes imbéciles. En ce sens on pourrait dire de la pédagogie ce que Bossuet disait de l’éloquence : la véritable pédagogie se moque de la pédagogie.


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