Oui ce dessin est à la fois
- à côté de la plaque (le « loubard » votant S. Royal, un gag en soi, mais involontaire je le crains !)
- lepéniste dans la mythologie qu’il véhicule :
Une présentation monolithique, duale et simplificatrice d’une ligne de fracture, un « choc des civilisation », entre deux « camp » :
- une France « honnête », les « petites gens », symbolisée par une représentation féminine (1) effrayée. Notons qu’elle a l’air complètement inoffensive, j’y reviendrai.
- LE jeune de banlieue, forcément bronzé et forcément loubard - car il est malhonnête de prétendre ensuite qu’il s’agit d’une minorité alors que la caricature le présente au contraire comme la forme générique de l’une des deux formes idéal-typiques qui peupleraient les banlieues au côté des « honnêtes gens ». Il y aurait en bref 2 mondes clairement identifié l’un dominant sur l’autre, la France honnête et la pègre, les bronzés qui « foutent la merde chez nous » et effraient « nos femmes » (1).
Si une certaine population subi une domination dans les banlieues, ce n’est pas celle qu’il croit.
Certes les femmes subissent une oppression, mais la majorité des violences comme des viols viennent de leur partenaire intimes et non pas de « jeunes » extérieurs (Voir toutes les enquêtes réalisées sur ce sujet, notamment l’enquête ENVEFF).
Par contre entre les « blancs » et les « bronzés » il est vrai qu’existe une autre oppression. Encore ne faudrait-il pas inverser les rôles, faire du « blanc » la victime d’une société à l’envers où blacks et arabes seraient au pouvoir, alors qu’ils sont COMPLETEMENT absents à l’assemblée nationale ce qui est anormal dans une démocratie (même l’Amérique soit-disant raciste fait mieux que nous).
Apparemment l’auteur ne doit pas parler souvent avec son « ami » Noir. Il vaut mieux toutefois qu’il ne lui montre pas la caricature s’il souhaite préserver son « amitié ». Il n’est pas besoin d’être black ou beur pour se sentir insulté par cette caricature, il suffit d’avoir * écouté * au moins une fois dans sa vie des « jeunes » de banlieues parler de leur vécu, y compris les « honnêtes » parmi eux (si si, ils existent !).
La peur existe d’abord chez eux. Ils ne le disent guère, par fierté, mais le sort que leur fait l’opinion publique de plus en plus raciste est extrêmement dure à vivre. On plaint volontiers les juifs à l’époque de l’affaire Dreyfus, on a aujourd’hui atteint le même niveau de racisme contre les arabes. Au 19ème siècle un député musulman siégeait à l’Assemblée Nationale, et aujourd’hui on n’ose même pas avoir un arabe athée... Quant au mot « musulman » il est devenu synonyme de terrorisme dans de nombreux discours, contre la réalité du vécu de la population musulmane. On peut se dire, certes les racistes sont d’abord bêtes, très peu instruits, mais justement ils sont très nombreux en banlieue (car aujourd’hui la pauvreté produit l’échec scolaire et l’ascenseur social ne marche plus). LA PEUR, C’EST AUSSI AFFRONTER TOUS LES JOURS LE REGARD HAINEUX DE MADAME MICHU.
La peur, c’est constater que le racisme est aussi institutionnel : le taux de chômage d’un jeune d’origine algérienne est 4 fois plus élevé qu’un autre jeune (Tribalat, 1996). La peur c’est de réaliser que pour gagner de l’argent dans une France qui connait une lepénisation des esprit on va être obligé de « trafiquer », puisqu’aucun employeur ne veut de nous.
Et parfois, trop de peur (du chômage, de la pauvreté, de l’exclusion de la représentation démocratique, de la police et de ses « bavures » sanglantes, du racisme quotidien que l’on peut lire dans les regard de haine quand il n’est pas carément verbalisé par Madame ou surtout Monsieur Michu car ce sont surtout les hommes qui votent Le Pen), se transforme en révolte alors qu’on est adolescant et alors, oui, on brûle des voitures pour dire ASSEZ. Mais tant que ce sentiment désespéré ne sera pas entendu, tant qu’il sera nié comme dans ce dessin, alors il recommencera à s’exprimer. Bien sûr bruler les voiture de son quartier n’est pas très intelligent, mais il a fallu ça pour entendre un peu parler de leur situation sociale et du racisme. Et on ne peut pas attendre d’ados une conscience politique très développée (la plupart étaient mineurs et inconnus de la police comme l’ont pointé le rapport des RG).
On ne devrait peut-être pas avoir le droit de « caricaturer » des gens dont on ne connait rien des conditions de vie. Que la mère de l’auteur soit madame Michu ne l’autorise pas à ignorer le vécu réel des « jeunes » qu’il prétend dépeindre. Il n’est même pas obligé d’aller leur parler, mais qu’il lise un minimum de faits sociologiques dessus !
http://citoyen.eu.org/sociologie/des/immigres
« Quand la société souffre, elle éprouve le besoin de trouver quelqu’un à qui elle puisse imputer son mal, sur qui elle se venge de ses déceptions ; et ceux-là sont naturellement désignés pour ce rôle auquel s’attache déjà quelque défaveur de l’opinion. Ce sont les parias qui servent de victimes expiatoires. » Ainsi s’exprimait Emile Durkheim, le père fondateur de la sociologie française, au moment de l’affaire Dreyfus, pour expliquer la montée de l’antisémitisme.
http://www.ac-versailles.fr/PEDAGOGI/ses/themes/equite/beaud_noiriel.html
(1) Le choix du sexe des protagoniste n’est pas un hasard. Une « beurette » face à un « blanc » aurait paru nettement moins menaçante ! Depuis toujours les discours racistes aiment à opposer les « blanches innocentes » face aux « noirs » mal intentionnés (que l’on pense aux innombrables Noirs innocents qui furent condamnés à mort ou parfois simplement lynchés sous le faux prétexte d’avoir violé une blanche ; Le viol au contraire très répandu d’esclaves Noires par leur propriétaire blanc n’étant jamais puni.)
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