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Guy (---.---.101.79) 27 février 2007 18:04

Les articles de la presse conventionnelle faisant suite à la nomination de Guy Canivet au Conseil Constitutionnel sont lamentables.

Aucune analyse critique de la pensée juridique et institutionnelle de ce magistrat. On nous apprend qu’il s’est beaucoup impliqué dans des tâches de gestion, qu’il incite les présidents de juridiction à devenir des gestionnaires... mais rien, par exemple, sur le rôle qu’il a pu jouer dans l’adoption des lois et décrets concernant la Justice depuis sa nomination à la tête de la Cour de cassation en 1999. Des dispositions qui, en phase avec l’évolution de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, ont tendu systématiquement à rendre la justice de plus en plus expéditive et sommaire. Voir, à ce sujet, le site : http://www.geocities.com/justiciable_fr .

Il est intéressant de lire ce texte de Guy Canivet :

http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_publications_documentation_2/bu lletin_information_cour_cassation_27/bulletins_information_2003_1615/n o_576_1658/

La procédure d’admission des pourvois en cassation

Bilan d’un semestre d’application de l’article L. 131-6 du Code de l’organisation judiciaire

par M. Guy Canivet

Premier président de la Cour de cassation

(...)

I - L’instauration d’une procédure de sélection des pourvois en cassation

Il est donc indispensable que, comme de nombreuses Cours suprêmes des grands systèmes de droit étrangers et, pour les chambres civiles, conformément à une tradition seulement interrompue depuis 1947, la Cour de cassation revienne à un examen préalable des pourvois dont elle est saisie.

L’expérience a parfaitement montré que si ce mécanisme de régulation de l’accès à la Cour de cassation fait défaut, c’est-à-dire si l’ouverture de la voie de recours pourtant extraordinaire qu’est le pourvoi en cassation est incontrôlé et oblige dans tous les cas, quelle que soit la valeur de la critique, à une décision motivée selon la technique lourde du pourvoi, les moyens humains et matériels de la Cour doivent être multipliés à l’infini pour faire face à un flux de recours en constante augmentation, cette croissance continue des effectifs provoquant une modification de la nature de la Cour et de graves conséquences sur l’unité et la cohérence de la jurisprudence.

C’est ce qui s’est passé au cours des cinquante dernières années. A une augmentation continue du nombre des affaires, on a, généralement - avec retard et de manière insuffisante -, répondu par des créations de chambres et un ajustement du nombre des magistrats du siège, conseillers ou conseillers référendaires. Une telle augmentation conduisant elle-même à une multiplication des formations de jugements, à une croissance considérable des décisions, donc à un risque de divergences ou d’insécurité de la jurisprudence, elles-mêmes sources de pourvois, d’aggravation des retards et d’allongement des délais de jugement. Ce phénomène cumulatif a, selon André Tunc, fait de la Cour de cassation une institution en crise (Archives de philosophie du droit, Tome 30, la jurisprudence, Sirey 1985, p. 157). Il fallait donc briser le cercle vicieux.

(...)

II - Lignes générales et conformité de la procédure d’admission aux principes généraux

Ainsi, restaurant une procédure d’examen préalable pratiquée depuis la création du tribunal de cassation, en 1790, jusqu’à la suppression de la chambre des requêtes, en 1947, la loi organique n2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, a, par son article 27, modifié l’article L. 131-6 du Code de l’organisation judiciaire selon lequel, désormais, la formation de trois magistrats de chaque chambre de la Cour, « après le dépôt des mémoires », « déclare non admis les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation ».

Cette disposition, analogue à celle par laquelle la loi du 31 décembre 1987 avait institué devant le Conseil d’Etat une procédure préalable d’admission des pourvois en cassation (art. L 822-1 du Code de la justice administrative), permet à la Cour de cassation, en écartant les nombreux pourvois irrecevables ou voués à un échec certain, de se consacrer plus efficacement à sa mission normative et disciplinaire.

La conformité de ce dispositif aux standards de procédure imposés par la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas discutable. La Cour de Strasbourg a en effet jugé, aux termes de plusieurs arrêts, que « l’article 6 de la Convention n’interdit pas aux États contractants d’édicter des réglementations régissant l’accès des justiciables à une juridiction de recours, pourvu que ces réglementations aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice ». La Cour de Strasbourg ajoute : « La réglementation relative à la saisie d’une juridiction de recours vise assurément à une bonne administration de la justice » (Cour européenne des droits de l’homme, troisième section, 9 mars 1999, Aff. S.A. Immeuble groupe Kosser c/ France, requête n° 38748/97 ; Commission européenne des droits de l’homme, 25 février 1997, aff. X... et autres c/ France, requête n° 26561/95 et les décisions citées).

Par ailleurs, le fait que cette disposition ait été introduite dans une loi organique, par conséquent obligatoirement soumise au contrôle de constitutionnalité, l’affranchit de tout grief à cet égard dès lors que par sa décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, le Conseil constitutionnel n’a pas déclaré cette partie du texte contraire à la Constitution.

(...)

Le point essentiel est que la décision de non-admission est dispensée de motivation. En elle-même, cette absence de motivation n’est pas contraire aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme. On sait que saisie d’un recours par lequel le requérant se plaignait de ce que le Conseil d’Etat s’était borné à reprendre succinctement le contenu du moyen de cassation et à le rejeter en énonçant seulement qu’il n’était pas de nature à permettre l’admission de la requête, la Cour européenne (9 mars 1999, Société Immeuble Groupe Kosser c/ France, précité) a, pour rejeter le grief comme mal fondé, rappelé sa jurisprudence selon laquelle l’article 6 de la Convention n’exige pas que soit motivée en détail une décision par laquelle une juridiction supérieure, se fondant sur une disposition légale spécifique, écarte un recours comme dépourvu de chance de succès.

En vertu de l’article 28 de la loi organique, la nouvelle procédure a pris effet le 1er janvier 2002. Compte tenu de la règle selon laquelle les dispositions de procédure sont, en droit transitoire, d’ application immédiate aux instances en cours, elle est applicable, à défaut de dispositions contraires de la loi, aux pourvois formés antérieurement à cette date.

(...)

V - Bilan statistique

Par souci de transparence, il a semblé souhaitable de rendre public un bilan provisoire de la procédure d’admission, telle qu’elle a été pratiquée, depuis sa création, durant le premier semestre de l’année. Ces données sont relatives si on considère qu’il fallu trois mois pour que la procédure d’ admission libère totalement ses effets.

En matière civile - Dans les chambres civiles, pour le premier semestre de l’année 2002, sur un total de 9448 arrêts, ont été rendues 2626 décisions de non-admission, soit un pourcentage de 28 %.

Ce pourcentage semestriel est de 31 % pour la première chambre (38 % au mois de juin), 39 % pour la deuxième chambre (38 % au mois de juin), 10 % pour la troisième chambre (14 % au mois de juin), 19 % pour la chambre commerciale (30 % au mois de juin) et 33 % pour la chambre sociale (38 % au mois de juin).

Ainsi qu’il a été relevé, les affaires désormais orientées en non-admission sont essentiellement celles qui, dépourvues de complexité, étaient autrefois jugées en formations dites restreintes, à trois magistrats (L 131-6 du nouveau Code de procédure civile). En effet au cours de l’année 2001, la Cour avait jugé 28 % des affaires en formation ordinaire et 72 % en formation restreinte tandis que pour le premier semestre de l’année 2002, la répartition est de 23 % pour les formations ordinaires et 77 % pour les formations restreintes, en ce compris les 28 % de non-admission.

Dans 10 % des cas, des affaires faisant l’objet d’une proposition initiale de non-admission ont été réorientées pour être jugées par un arrêt motivé.

(...)


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