Depuis Le rêve de d’Alembert de Diderot, les rêveries méta-scientifiques d’inspirations diverses ont proliféré, se recommandant toujours d’une exigence rationnelle, mais aboutissant souvent à des conclusions un peu farfelues. C’est que les meilleurs spécialistes d’une science donnée, trop instruits des difficultés qu’ils éprouvent à produire des résultats qu’ils savent partiels, se gardent bien d’extrapoler. Il faut être un poète ou un philosophe n’ayant qu’un accès indirect aux sciences pour oser se lancer dans de pareilles entreprises.
Je suis en train de lire Le phénomène humain de Teilhard de Chardin. Le bonhomme était sûrement un excellent paléontologue, mais dès qu’il sort de son domaine de compétence, les choses deviennent extrêmement fumeuses. Je lis par exemple :
Considéré à l’état prévital, le Dedans des Choses, dont nous venons d’admettre la réalité jusque dans les formes naissantes de la Matière, ne doit pas être imaginé comme un feuillet continu, mais comme affecté de la même granulation que la Matière elle-même.
Si ces subtilités édifiées sur un sable conceptuel très inconsistant ont un sens, je serais très content qu’on m’éclaire ! Mais c’est tout le bouquin qui sort à peu près du même tonneau.
Bergson lui aussi s’est beaucoup intéressé aux sciences, et c’est très bien, mais il semble, selon ce qu’en disent les spécialistes -je ne suis malheureusement pas en état de pouvoir en juger - qu’il n’avait pas très bien compris la théorie de la relativité.
En tout cas, sa conception du mécanisme, comme celle de Freud à la même époque (autre rêveur pseudo-scientifique), est héritée de Laplace pour qui, lorsqu’on connaît l’état d’un système à un instant donné et les paramètres qui définissent son fonctionnement, on peut calculer son état à un autre moment, aussi bien dans le passé que dans l’avenir. Ces conceptions, depuis la naissance d’une physique attachée à la description des systèmes complexes et chaotiques, sont complètement périmées, mais elles l’étaient déjà pour les physiciens des années 30 qui avaient dû se frotter aux difficultés de la théorie quantique.
C’est bien de vouloir donner au monde un sens, mais il n’est pas si évident que cela qu’il puisse en avoir un dont on puisse s’enchanter.
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