Dans votre distingo, M. Bilger, entre l’assassinat « ordinaire » et « les crimes de l’arrogance et du mépris » des membres d’AD, je ne saisis pas quelle place vous accordez à l’assassinat politique d’un dictateur (et vous pouvez en effet voir ici une référence directe à la très ancienne théorie du tyranicide légitime, élaborée notamment par les Jésuites).
Un autre exemple : l’assassinat du lieutenant-colonel Karl Hotz, le 20 octobre 1941 à Nantes, par trois résistants communistes, Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et Spartaco Guisco. L’acte est immédiatement qualifié de « terroriste » par les autorités nazzies, qui déclenchent une répression féroce (notamment, sur ordre direct d’Adolf Hitler, l’exécution de 48 otages, parmis lesquels, au camp de Châteaubriand, celles de Guy Môquet (17 ans) et Jean-Pierre Timbaud ).
L’acte de Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et Spartaco Guisco ne constitue-t-il pas, comme vous le dites à propos des meurtres d’AD, « le défi que lancent des personnes assurées de leur bon droit, campées dans un orgueil dément, bardées de certitudes meurtrières, murées dans des tempéraments à la fois rigides et sans merci, justiciers malades et exécutants sans pitié, sûres en tout cas de détenir la vérité et d’être légitimes en tuant » ?
Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et Spartaco Guisco étaient-ils « légitimes en tuant » ? Leur orgueil était-il « dément » à se sentir dans « leur bon droit » à assassiner un agent nazi en uniforme en pleine occupation ?
Et l’action de ces résistants ne visait-elle pas, tout autant que celle des militants d’AD, « à saper les fondements d’une société et d’un Etat », comme vous le dites ?
Vous vous engagez, M. Bilger, dans un débat qui ne relève plus de la justice, mais de la politique. Mais vous hésitez au seuil de votre réflexion et refuser d’affronter le coeur du problème, qui n’est pas dans la nature de l’assassinat, mais dans la légitimé de l’acte politique qu’il constitue.
Les membres d’action directe ne sont pas condamnables d’une manière spéciale parce que leur acte est politique et qu’il ne relève pas de l’assassinat « ordinaire », comme vous dites. Ils sont condamnables car cet acte n’est pas politiquement légitime dans NOTRE démocratie. Quand bien même les membres d’AD le légitiment de leur côté au nom d’autres idées politiques que celles qui sont les nôtres (je dis « les nôtres », car il me semble partager avec vous la foi en la démocratie telle qu’elle fonctionne en France ).
Leur procès ne pouvait être autre chose qu’un procès politique et leur condamnation de même. Il revient à la démocratie de l’assumer.
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