Le CBO (Congressional Budget Office) m’a réellement bluffé. Pourtant, avec Trump je me croyais blasé mais j’avoue avoir été scotché en découvrant le pronostic du CBO : il attend une poursuite du cycle de croissance amorcé mi-2009 jusqu’en… 2027, à un rythme certes moins soutenu que les 3% actuels, mais ce pronostic gomme littéralement la perspective d’une récession. Un cas de figure unique dans l’histoire du capitalisme et un prodige du Trumpisme !
Donald Trump pourrait revendiquer avoir révolutionné la science économique et surpassé, grâce à sa réforme fiscale, le fantasme ultime de Wall Street : une croissance quasi éternelle mais si modérée que les taux demeureraient très bas et la volatilité pourrait être maintenue proche des niveaux médians observés au cours de l’année 2017.
De quoi supporter quelques désagréments… comme par exemple un déficit budgétaire US dépassant les 1 000 Mds$ par an d’ici à 2020 (2 ans plus tôt que prévu initialement par le CBO) car les dépenses dépasseront les recettes de 804 Mds$ au cours de l’exercice se terminant le 30 septembre 2018. Et à l’issue de l’exercice 2019, le déficit US atteindra 980 Mds$ (contre une prévision antérieure de 690 Mds$)… et ne cessera de croître jusqu’en 2022 (toujours sous l’effet de la réforme fiscale).
Comme le CBO prévoit 2% de recettes en moins et 1% de dépenses supplémentaires au cours de la période 2018-2027, le déficit cumulatif des Etats-Unis s’établirait à… (attention les yeux)… 11 700 Mds$, soit 15% de plus que lors de la dernière estimation !
Le PIB réel US va symétriquement ralentir de 3,3% en 2018 vers 2,4% en 2019 et 1,8% en 2020, avant d’adopter un rythme de croisière de +2% jusqu’en 2026 (rêvons un peu, c’est de la pure fiction).
Donc selon le CBO, s’il n’y a pas de récession en vue, il y aura toujours plus de déficits.
Remarquez, peu importe : c’est le quotidien de l’Amérique depuis septembre 2008, et le moins que l’on puisse dire, c’est que Wall Street s’en accommode fantastiquement bien.
Jusqu’à présent.
Mais ce que le CBO n’intègre pas, c’est l’hypothèse d’un « peak debt », c’est-à-dire le point critique où même avec des taux bas, une hausse de +2% du PIB ne permet plus de rembourser ni les intérêts ni le principal de la dette. Les Etats-Unis espèrent être capables de continuer d’attirer l’épargne mondiale vers les T-Bonds US, sauf que cette épargne va se faire de plus en plus rare si les banques centrales cessent d’imprimer de nouvelles liquidités alors que le niveau de l’endettement mondial vient de passer le cap des trois fois le PIB planétaire à 237 000 Mds$.
237 000 Mds$, c’est 11 000 Mds$ de dettes en plus (l’équivalent du PIB de la Chine) au cours du seul dernier trimestre 2017 ! Parmi les pays où elle progresse le plus vite, citons le Venezuela (un cas déjà désespéré), l’Argentine, le Nigeria, la Turquie (mais la lire Turque s’effondre et la valeur de la dette avec) et… la Chine. Et lorsque l’absence d’inflation ne permet pas de détruire la dette, souvent c’est une « bonne guerre » qui permet de remettre les compteurs à zéro.
Si ce n’était pas l’une des véritables intentions de Donald Trump lorsqu’il a menacé par tweet la Russie et Bachar el-Assad mercredi matin, c’était sans aucun doute la ferme intention de ceux qui ont manoeuvré en vue du recrutement de John Bolton à la Maison-Blanche…