Certes le racisme est une essentialisation (« Les Noirs sont bons aux échecs », « les Blancs courent vite », « les Jaunes sont de bons amants » etc.), mais c’est une essentialisation particulière, qui considère l’ethnie réelle ou supposée de la victime. Toutes les essentialisations ne sont pas des racismes : par exemple, parler de « racisme » entre « catholiques » et « anglicans » n’a pas de sens : on peut naître catholique ou anglican mais ne pas le rester. Le raciste n’attache pas d’importance à ce que l’objet de sa détestation pense, dit ou fait : il le déteste pour ce qu’il est.
Concernant « l’antisémitisme », l’auteur prétend « les sémites sont tous les peuples du moyen-orient) ». Non, il n’y a ni ethnie ni race « sémite ». On sait que tous les juifs n’ont pas le même patrimoine génétique (je gage qu’il en est de même de ceux qu’on groupe sous le vocable « d’arabes », d’ailleurs). Il est probable que nombre d’ashkénazes descendent de peuplades khazares converties autrefois. La seule chose qui soit « sémite », c’est un groupe de langues (hébreu, arabe, araméen, maltais...). Il n’y a pas plus d’êtres humains « sémites », que « chamites » ou « japhetiques » : le mythe de Noé et de ses fils n’est pas un précis de génétique.
Pourtant, il existe bien un « antisémitisme », et c’est ce qui fait sa singularité parmi tous les racismes. Contrairement au judéophobe, l’antisémite hait l’autre, qu’il identifie comme « juif », pour ce qu’il est. L’objet de sa haine aura beau manger des huîtres et du jambon, fréquenter une pagode plutôt qu’une synagogue, travailler le samedi et être indifférent à Israël, Jérusalem et tutti quanti, l’antisémite continuera à le haïr, pour des raisons bien à lui.
Lorsque vous êtes en présence d’un raciste anti-noir, vous identifiez facilement ses victimes. Idem pour un raciste anti-blanc, anti-arabe ou autre. Mais vous ne pouvez pas toujours identifier les victimes potentielles d’un antisémite : lui seul sait (ou croit savoir) qu’elles font partie du groupe qu’il abhorre. Il étudiera les livres recensant les changements de noms pour débusquer des gens dont la mémoire familiale a oublié qu’ils avaient des ancêtres juifs, fera attention à la forme d’un nez ou d’une oreille, etc.
C’est en cela que l’antisémitisme est un racisme particulier, ce qui ne signifie pas qu’il soit plus ou moins condamnables que les autres.
Toutes les essentialisations sont des erreurs, mais essentialiser quelqu’un pour ce qu’il est censé être, de la naissance à la mort, c’est une faute.