Suite (3) et fin
C’est pour le quarantième anniversaire du Débarquement que François Mitterrand invite donc Ronald Reagan à commémorer l’événement. Lors de son allocution d’Utah Beach, il va jusqu’à dire : "Saluons les morts allemands tombés dans ce combat"… Qu’avait donc dans la tête François Mitterrand pour fêter ce projet américain de vassaliser la France, pour omettre sciemment le nom du général de Gaulle qui fit échec à ce projet, et pour en profiter pour saluer les soldats nazis ? On est en droit de se le demander…
Cette célébration avalise donc la version cinématographique du Jour le plus long qui est un film de propagande. C’est la fiction américaine, le récit américain, la légende américaine, le mythe américain avalisés par la France qui, plus que jamais, s’accepte, s’aime et se veut en Bourvil débile et aviné, niais et crétin, ne comprenant rien à rien, le béret vissé sur le crâne et rigolant bêtement au spectacle de la virilité martiale américaine. Cette version désormais fait la loi.
Pour que cette fiction s’impose, il faut effacer ce qui fut : la légende écarte les faits. Or, les faits sont têtus : cette guerre fut mondiale, elle n’opposa pas seulement les Américains et les Allemands au dessus de la tête bourvilesque des Français. L’historien caennais Claude Quétel, qui fait parler de lui ces temps ci avec un livre sur la Révolution française en disant qu’elle a été complètement inutile, délivrait ses oracles sur BFM. A une journaliste qui lui demandait combien de pays avaient été engagés dans ce conflit, il a répondu… trois ! On comprend que cet homme ait pu, pendant treize années présider à la direction scientifique du Mémorial dit « pour la paix » qui est une grande machine à produire et entretenir le mythe américain en partie avec l’argent du contribuable. Que Claude Quétel ait publié Le Débarquement pour les nuls en 2014 laisse croire qu’il n’a pas lu - disons pour être charitable : relu - son livre !
Car cette guerre est le fait d’Alliés que sont donc, au-delà des seuls Américains, des Britanniques, des Canadiens, des Australiens, des Néo-zélandais, des Polonais, des Belges, des Tchécoslovaques, des Néerlandais, des Norvégiens, des Français aussi avec le Commando Kieffer.
Il n’y eut pourtant de vedettes, ce 6 juin 2019, que les Américains. Les décorations de la Légion d’honneur ne sont allées qu’à des Américains. N’y avait-il aucun Polonais, aucun Canadien, aucun Britannique, aucun Néo-zélandais pour la mériter ? Aucun Belge ? Aucun Australien ? A moins que le stock n’ait pas été suffisant pour cause d’une pénurie due aux récentes et généreuses distributions à l’équipe de football française – y compris aux remplaçants qui n’ont pas joué…
Dans son discours lu comme un élève de la classe de théâtre de madame Trogneux, Macron n’a pu s’empêcher, arrogant et suffisant, de donner des leçons à Trump en lui faisant savoir que "l’Amérique n’est jamais aussi grande que quand elle se bat pour la liberté des peuples", autrement dit : quand elle ne construit pas des murs pour se protéger de l’immigration mexicaine.
Le discours était rédigé pour le trémolo. La plume obscure du Président s’est essayée à un pastiche de Malraux, mais la pléthore d’adjectifs et l’enfilage d’images qui convoquent les cimes et les abîmes, les brumes et le sang ne suffisent pas à faire un style qui porte et transporte. Lire un texte qui singe Malraux ne transforme pas de facto son lecteur en général de Gaulle. D’autant que le comédien a trébuché sur le texte, à moins que le nègre ait été fautif : Macron a en effet parlé de la « poche de la falaise ». Soit il y avait la bonne expression, « poche de Falaise », et il a cru que l’article manquait avant de l’ajouter, soit l’article manquait et sa méconnaissance et son inculture n’ont pas suppléé la faute du scribe. Dans les deux cas, c’était fautif.
Le midi, de mon bureau, j’ai vu passer les hélicoptères de Trump. Aucun hélico polonais, canadien, etc, bien sûr. Je les ai également vus rentrant de Colleville en direction de la cantine de la préfecture. Cette fois, l’armada de Trump précédait le carrosse à pales de Macron.
La ville était vide, comme après une explosion nucléaire. Le dispositif policier était hollywoodien. Au pied de chez moi existe un collège dont la sonnerie a été remplacée par des musiques choisies par les élèves – démagogie participative oblige. Ce jour, la musique n’était pas La Panthère rose, comme c’est parfois le cas, mais les trois coups de l’annonce d’Ici-Londres (la radio… gaulliste !) suivis des vers de Verlaine, Les sanglots longs (jamais utilisés dans la Résistance en Normandie, mais dans le centre de la France).
Sur la côte, des crétins faisaient semblant de jouer à la guerre, habillés en soldats et conduisant des jeeps de collection, des enfants étaient eux-aussi déguisés en guerriers. On m’a dit que des petits malins facturaient bonbon un tour en blindé. Obscène. Des bières, des mugs, des t-shirts, des porte-clés, des bibelots qui marchandisent la mort des jeunes soldats venus mourir sur le sol normand montrent qu’après de Gaulle et grâce au socialisme mitterrandien qui a décrété licite le règne de l’argent, les Etats-Unis ont gagné : sur notre territoire national, tout se vend, tout s’achète, on peut faire de l’argent avec tout, rien n’est plus sacré puisqu’on peut même désormais acheter et vendre des enfants tout en passant pour un progressiste.
Ce 6 juin 2019, à Colombey-les-deux-Eglises, j’en connais un qui doit se retourner dans sa tombe…
Michel Onfray
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