Je n’en peux plus de ce PS le plus bête du monde, de ce parti qui a porté la schizophrénie au rang de pensée politique. Les psys de l’école de Palo Alto ont une formule pour ça, ils l’appellent le syndrome de la double contrainte : vous vous trouvez à la fois obligés de faire une chose et son inverse. C’est dans cette impasse que se trouve coincée la gauche française de gouvernement depuis des décennies, par la faute de dirigeants successifs qui ont toujours repoussé aux calendes l’évolution indispensable vers la social-démocratie.
Les socialistes français n’ont jamais rien compris à Jaurès : « aller vers l’idéal en comprenant le réel », c’est le fondement même de la social-démocratie, à savoir comment concilier un idéal de gauche et un réalisme efficace.
Au lieu de cela, ils ont lié cet idéal à des méthodes, des façons de faire dogmatiques, qui se sont partout et toujours révélées inefficaces, voire souvent contre-productives, parce que fondées sur de l’utopie ou de l’angélisme. C’est cela la culture de gauche en France : pour tendre vers un idéal de gauche, on ne connait pas d’autre chemin que celui qui passe par le refus du marché.
Et puis ils ont connu le pouvoir, les responsabilités... la réalité, donc. Dans un monde qui est, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, organisé par le marché. Dans un monde où toutes les idéologies anti-marché ont échoué, quand elles n’enfantaient pas des monstruosités. Ils ont vite compris, du moins les plus lucides d’entre eux, qu’on ne pouvait ignorer le principe de réalité. Ils ont donc accepté le marché, certains du bout des lèvres, d’autres en s’y vautrant, mais ils l’ont accepté. Cependant, ils n’ont pas changé leur culture politique pour autant !! De ce fait, en tournant le dos au seul chemin qu’ils connaissent pour conduire vers leur idéal de gauche, ils se sont donc trouvés dans l’impossibilité technique d’être de gauche, tout simplement.
Leur idéal leur impose, par dogmatisme et d’après leur culture politique, d’être anti-marché. Le réel leur impose, par pragmatisme et souci d’efficacité, d’être pro-marché. Double contrainte. De là découle une pratique de la politique qui confine au schizophrène et au psychotique. Ils ne peuvent ni ne savent être à la fois efficaces et de gauche, et par conséquent sont condamnés à osciller en permanence entre l’inefficacité économique et l’impuissance sociale, et donc à décevoir perpétuellement leur propre électorat, comme on le constate depuis vingt ans. Car il ne vous aura pas échappé que, si effectivement depuis un quart de siècle en France on sort systématiquement les sortants, lorsque ces sortants sont de gauche leur défaite est toujours beaucoup plus cuisante - un premier ministre en est même mort... - car, contrairement à la droite, lorsque la gauche déçoit elle déçoit jusqu’à ses propres partisans.
Aujourd’hui, au PS, il ne reste plus guère que Rocard qui soit dépositaire de cette culture social-démocrate et authentiquement jaurèssienne, même si les strausskahniens et quelques deloristes y sont également sensibles et commencent - enfin - à la comprendre. La plus grande erreur de Mitterrand est de n’avoir pas voulu admettre à l’époque que Rocard était l’avenir du PS, et d’avoir agi avec lui en chef de clan plutôt qu’en penseur politique. Aujourd’hui Rocard n’est plus en âge de jouer un rôle de premier plan. Mais il peut encore pousser à la réflexion nécessaire, indispensable, inévitable, pour sortir le PS de l’impasse de la double contrainte. Quitte à procéder par électrochocs au besoin.
Je rêve d’un PS enfin devenu intelligent, qui ait appris à être de gauche dans le réel, au lieu de ne savoir l’être que dans les meetings et les congrès. Ce qui veut dire se repenser lui-même, repenser l’idée-même de gauche.
Je ne crois pas Ségolène Royal capable de porter cela. En tout cas, à aucun moment elle n’en aura pris le chemin, préférant repousser une fois de plus cette refondation en préférant, comme l’avait déjà fait Mitterrand, une posture d’incarnation, personnelle, opportuniste et gadgétisante. Si elle est au deuxième tour, elle perdra vraisemblablement contre Sarkozy ; et si elle gagne malgré tout, les mêmes causes produisant les mêmes effets, Sarkozy sera élu dans un fauteuil en 2012.
La candidature Bayrou est la seule aujourd’hui à pouvoir à la fois obliger le PS à se repenser et à se libérer de ses dogmatismes archaïques, et éviter à la France les dangers du sarkozysme - voire du sarkolepénisme qui se dessine en filigrane, et de manière désormais ostensible depuis que l’obstacle Chirac a été levé.
Je ne suis pas bayrouiste, ni centriste, et il n’est pas question pour moi de le devenir, ni d’appeler les électeurs socialistes à le devenir. Mais je reconnais à l’homme des qualités de profondeur, de jugement, une fibre sociale sincère, une volonté de convaincre par la négociation et non d’imposer par la brutalité. Et je reconnais au politique le courage et la tenacité dont il a su faire preuve, depuis des années, pour ramener le centre au centre, après trente années de dérives droitières.
Et après tout, pour ceux qui doutent encore et font observer, avec raison, les attaches qui lient toujours - surtout au plan local - le centre UDF à la droite UMP, la meilleure façon d’en finir avec l’alliance exclusive du centre avec la droite n’est-elle pas de lui permettre, enfin, de s’allier avec la gauche ? Un échange de bons procédés qui permettrait à la fois au centre d’aider la gauche socialiste à se libérer de ses carcans dogmatiques, et à ladite gauche d’aider le centre à se libérer, lui, de ses tentations droitières.
Chiche ?
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