"Ce traitement aurait un effet spectaculaire sur la charge virale – le
nombre de copies du virus dans un fluide –, permettant de diminuer le
risque d’aggravation de la maladie. En France, le Professeur Raoult de l’IHU de Marseille, l’un des plus
imminents infectiologues au monde, n’a de cesse de défendre ce
médicament et de justifier de son effectivité dans le traitement du
Covid-19."
Mais que vaut son étude ?
Une synthèse pas trop mal de son « étude » et des nombreux biais.
- L’étude est réalisée en open-label, c’est-à-dire sans
procédure d’aveuglement (le patient et le médecin savent qui est dans
quel groupe, ce qui expose à des biais majeurs) et sans randomisation
(ce qui veut dire que les potentiels facteurs de confusion ne sont
probablement pas exclus).
- Les objectifs de l’étude sont beaucoup
plus modérés que les interventions du Professeur Raoult dans les
médias. On peut alors y lire « nous évaluons le rôle de l’hydroxychloroquine sur les charges virales respiratoires », le but étant de les abaisser. Pourtant, un article paru dans le journal Nature concernant l’étude de maladies respiratoires telles que celles induites par le SARS-CoV-1 ou le MERS-CoV concluait, en 2016, que les formes les plus graves étaient associées à une baisse de la virémie. Cela pousse à redoubler de prudence lorsqu’on entend le Professeur Raoult s’exclamer sur YouTube « si vous n’avez plus le virus, vous êtes sauvé », alors même que, nous le verrons plus bas, l’état clinique des patients n’est pas décrit dans son essai.
- L’équipe s’était fixée comme objectif secondaire de suivre l’évolution de paramètres comme l’apyrexie, la normalisation de la fréquence respiratoire, la durée moyenne d’hospitalisation et la mortalité. Ces données fantômes sont totalement absentes du papier.
- Les patients ont été traités soit par de de l’hydroxychloroquine seule, soit par un antibiotique
(l’azithromycine) avec de l’hydroxychloroquine, soit ils n’ont pas été
traités (groupe témoin). Pas de traitement contre placebo,
donc. D’emblée, on sait que tout ce qu’on pourra tirer de cette
expérience, c’est une comparaison entre deux traitements et un
non-traitement, pas entre un traitement et un simulacre, ce qui est
pourtant essentiel pour connaître l’effet propre de ce qu’on pense être
un « médicament ». De plus, le groupe témoin ne se trouvait pas sur le
même site que le groupe traité.
- L’échantillon est petit avec
26 patients initialement (seulement 20 à la fin de l’étude), ce qui est
trop faible pour obtenir des résultats robustes contrairement à ce
qu’affirme le Professeur Raoult. Les lois des probabilités ne changent
pas, même en temps de pandémie.
- On
ne connaît ni l’état clinique ni la charge virale initiale des
patients. L’état clinique reste aussi inconnu à la fin de l’étude. De
plus, les tests de charge virale donnent des résultats variables selon
les jours (un coup positif, un coup négatif puis de nouveau positif). On
peut donc légitimement remettre en question la fiabilité actuelle de
ces tests.
- Le suivi devait durer 14 jours, mais les résultats présentés ne vont que jusqu’au 6e jour, ce qui n’est clairement pas normal.
- Certains critères d’exclusion (comme ne pas intégrer d’enfants de moins de 12 ans) ne sont pas respectés.
- Certains
patients ont été considérés comme « perdus de vue ». Cela arrive
habituellement, mais ici ce sont les auteurs qui ont fait le choix de
les exclure. On découvre alors que tous ces patients faisaient partie du
groupe chloroquine. Trois ont été transférés en réanimation, un est
décédé, un patient n’était, finalement, peut-être pas malade, et un
patient a souhaité interrompre son traitement en raison de la survenue
d’effets secondaires. On s’étonne que les trois patients en
réanimation n’aient pas été suivis.
- Son papier ne respecte pas
les bases éthiques d’une publication scientifique. L’étude est publiée
dans un journal où l’éditeur en chef travaille sous les ordres du
Professeur Raoult, dans le même institut. Aussi, précisons que le
document a été reçu le 16 mars, accepté le 17 mars et publiée le 20
mars.