COMMENT LES INSTITUTS DE SONDAGE EXPLOITENT LEURS VACATAIRES
Rarement les boîtes de sondage se sont fait mousser autant que lors du référendum sur la Constitution européenne. Leurs chiffres abreuvaient la campagne tandis que leurs patrons s’époumonaient dans les médias pour gonfler les voiles mitées du Oui.
Mais les Ifop, CSA, Sofres ou Louis-Harris ne se contentent pas de mettre l’opinion en barres : ils formatent leurs propres effectifs aux normes de la flexibilité.
Plus de 20 000 précaires travaillent « en rue » ou au téléphone dans des conditions sauvages.
- Bonjour, j’appelle au sujet de l’annonce...
- Eh bien, il s’agit d’un travail d’enquêteur.
- Et c’est quel type de contrat ?
- Vacataire.
- Et le salaire ?
- Vous serez payée au questionnaire, je ne peux pas vous donner d’ordre d’idée pour la rémunération.
- Ah... C’est embêtant. C’est un contrat de combien de temps ?
- Je ne peux pas vous dire : on vous appelle, on vous propose de travailler du tant au tant. Vous devrez trouver telle cible et faire tant de questionnaires.
- Mais pour la rémunération, vous pouvez me donner un ordre d’idée ?
- Non. »
Voilà la conversation éclairante qu’on peut avoir avec l’Ifop quand on cherche à s’engager dans les légions de précaires que brassent les instituts de marketing et d’opinion. Le « je peux pas vous dire » touche quelque vingt mille enquêteurs du secteur.
Recrutés à bac +2 minimum, les salariés doivent se contenter du contrat de « vacataire » défini par la convention collective. Contrat « par nature temporaire », comme le stipule le code du travail. Pourtant, d’après l’association d’enquêteurs précaires Avec [1], « même si les instituts s’abritent derrière le côté “job d’appoint” du métier, il ne doit pas y avoir plus d’un quart d’étudiants ».
(Quand on est enquêtrice de rue pour l’Ifop depuis 15 ans, comme Christiane, on sait bien que c’est du provisoire qui dure. « De plus en plus de femmes d’une trentaine d’années vivent essentiellement des enquêtes. Autour de moi, une quinzaine de personnes sont vacataires depuis 15 ans », témoigne-t-elle. Elle affirme que dans sa région, aucun employé de l’Ifop n’est en CDI. Même la chef d’équipe, qui gère de 50 à 80 salariés selon les périodes, est sous régime vacataire. « Le seul personnel en CDI est à Paris, ce sont les administratifs et les chargés d’études. »)
[1] www.asso-vac.org
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération