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Patrick FERNER 24 avril 2007 11:18

Les débuts de l’industrialisation ont effectivement créé un prolétariat qui paraissait croître indéfiniment avec le développement du capital. Tocqueville s’en fit le témoin mais Marx et Engels également en publiant en 1847 « Le manifeste du parti communiste ». Dickens, dans ses romans, dénonça les « sweat-shops » (littéralement, « les ateliers à sueur »). Donc pour tous les observateurs de cette époque, l’industrialisation allait droit dans le mur en générant une masse croissante de pauvres qui ne manqueraient pas de se révolter, ce qui mit fin en France au règne de Louis-Philippe, suite à une crise économique qui avait vu la fermeture de nombreux ateliers.

Napoléon III, auteur d’un ouvrage « L’extinction du paupérisme » a tiré la leçon de la crise économique des années 1846-48, qui était due à la faiblesse du système bancaire, asphyxiant les entreprises qui ne pouvaient plus investir. Il avait compris « que la paupérisation n’est pas le produit du capitalisme mais, plus certainement du manque de capitalisme (1) » et de fait, « Napoléon III sut démontrer qu’il était possible de concilier autorité et modernité, hiérarchie et partage des fruits de la croissance, enrichissement de la nation et amélioration du sort de la classe » industrieuse (2)". Et quand on regarde la période 1870-1914, que ce soit en Europe ou aux États-Unis, on assiste à une croissance économique considérable qui, si elle n’a pas enrichi la classe ouvrière, l’a au moins éloignée de la misère. Toutefois, la pression sociale se fit croissante, voire pressante au point de menacer l’équilibre de la société française à la veille de la Grande Guerre. Il faudra attendre les accords de Matignon en 1936 pour commencer à parler de redistribution des richesses, cette dernière, c’est sûr, ne se faisant pas spontanément et cela se vérifie dans tous les pays industrialisés.

Donc Tocqueville, souvent visionnaire, s’est trompé quant à l’évolution immédiate, à son époque, de l’industrialisation ; en revanche, il est totalement dans le vrai quand il émet l’idée que les sociétés industrielles créent des besoins et je me permettrai d’aller plus loin en disant que dans ces sociétés, c’est l’offre qui crée la demande. C’est ce qu’avait compris Henry Ford au début du XXème siècle lorsqu’il lorsqu’il créa sa voiture, le fameux modèle « T » : il la fit produire à un coût qui soit le plus bas possible de telle manière que ses propres ouvriers puissent l’acheter ; il créa le besoin de posséder une automobile, anticipant sans le savoir sur la société de consommation qui se développa après 1945.

La période 1945-1975 dite des « trente glorieuses » a vu le développement des classes moyennes avec peut-être des taux de pauvreté les plus bas que l’on ait connus, jusqu’aux chocs pétroliers qui mirent fin à ce que beaucoup considèrent comme l’âge d’or de l’économie : la croissance était forte, les marges bénéficiaires confortables, les barrières douanières tombaient, le gâteau à partager était suffisamment grand pour conquérir des avantages sociaux bénéficiant au plus grand nombre. Il était d’ailleurs impératif pour les industriels que le niveau de vie soit élevé pour vendre leurs produits à une part de plus en plus grande de la population. Alors, que s’est-il passé ? Les chocs pétroliers n’expliquent pas tout. En fait, on peut constater que les entreprises, qu’elles soient industrielles ou commerciales, travaillent depuis de nombreuses années avec des marges bénéficiaires très faibles, d’où cette chasse systématique menée contre les prix de revient : pression sur les salaires, développement de l’emploi précaire, délocalisations. Mais en appauvrissant de cette manière leurs salariés, les entreprises se privent de consommateurs qui n’ont plus le moyens d’acheter leurs produits (ex. : baisse du marché automobile en France en 2006), se tirant ainsi une balle dans le pied.

(1) Jacques Marseille, Du bon usage de la guerre civile en France, 2006 - Editions Perrin ( collection Tempus) Chap. 5, p.99

(2) Ibid


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