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Mango Mango 4 juillet 2007 16:12

@ l’auteure.

Bonjour et merci pour ce bel article qui pose des questions essentielles et douloureuses.

La première concernant la prétendue « méchanceté » ou « cruauté » des enfants : les enfants ne sont pas plus « méchants » ou « cruels » qu’un crocodile affamé ou qu’une lionne qui chasse une « gentille » gazelle pour nourrir ses petits ! Les enfants sont des adultes en devenir : l’enfance n’est pas un état définitif. C’est une étape transitoire de la vie au cours de laquelle on est particulièrement vulnérable, et qui appelle protection et éducation.

En tant que personne vulnérable, l’enfant développe des défenses, l’une d’elle étant l’appartenance à un groupe, à une « meute » qui le rassure. Il doit être « comme les autres » sous peine d’être « moins bien » que les autres. Il n’y a rien de pire pour un enfant que de se découvrir « différent », que ce soit par la couleur, la culture, le handicap ou la catégorie sociale, et ceux qui trouvent la force d’accepter cette originalité, souvent même en passant par une phase revendicative plus ou moins violente et agressive de rejet de la « norme », sont toujours des enfants qui ont eu la chance de vivre dans leur petite enfance une phase d’amour inconditionnel.

Le « caractère » de votre fille qui lui permet aujourd’hui de surmonter les épreuves de la socialisation- en l’occurrence, une épreuve culturelle, mais tous les enfants ont les leurs : port de lunettes, petite taille, laideur, maladie... même une précocité ou une beauté exceptionnelle peuvent susciter le rejet : tout ce qui n’est pas médiocre est « hors normes »-, ce caractère, elle ne le doit qu’à vous ou tout autre présence « maternante » qui l’a bercée quand elle avait peur, soignée quand elle avait mal, nourrie quand elle avait faim, couverte quand elle avait froid, baignée quand elle avait chaud et qu’elle était totalement dépendante.

Cela vous semble sans doute aller de soi, pourtant il est frappant d’observer comme la satisfaction de ces besoins élémentaires est directement liée à l’estime de soi de l’enfant et de l’adulte. Les professionnels (éducateurs, rééducateurs et psys) en prennent toute la mesure lorsqu’ils doivent travailler à la restauration narcissique d’enfants victimes de négligences et/ou de maltraitances.

Rassurée, protégée, elle l’a été et doit encore l’être. Eduquée et instruite, elle l’est, mais pas toute seule, avec les autres, eux aussi « sauvageons », pas encore tout à fait « civilisés ». C’est « en cours ».

Quant aux tentatives (maladroites en l’occurrence ) des enseignants pour ouvrir les enfants sur le monde, c’est tout le problème de l’école « publique, laïque et obligatoire » que vous pointez là. Cette école qui a pour mission, Ô combien louable, de donner les mêmes chances à tous, n’y parvient malheureusement pas pour la simple et bonne raison qu’elle doit faire le choix d’une moyenne, d’une « norme » qui corresponde au plus grand nombre, et il y a dans nos écoles de moins en moins d’enfants « comme tout le monde », et donc de plus en plus qui restent sur le bord de la route. Cette école reste « le moins pire des systèmes » pour la majorité qui se reconnaît dans les représentations qu’elle véhicule, mais tous les autres, en plus des efforts d’apprentissage, doivent en plus fournir des efforts d’imagination. Regardez les manuels : dans les années 60, papa y lisait le journal en fumant sa pipe pendant que maman faisait la vaisselle. Ce schéma correspondait effectivement à la réalité vécue par la majorité des enfants scolarisés. Par la suite, on nous a pondu un rat vert, un fantôme, et autres sorcières, histoire de ne pas traumatiser les enfants de divorcés ou les féministes, mais on peut toujours trouver à redire : le métro qui exclut de fait toute la population rurale, les vacances à la mer et à la montagne qui laisse sur le carreau tous ceux qui n’y ont pas accès, et ne parlons pas de toute cette imagerie des saisons qui laisse perplexe les petits écoliers d’outre-mer !

En suivant les directives officielles du cycle 2 (travail sur l’identité, éducation à la citoyenneté - documents officiels-, travail sur l’histoire familiale et les générations-structuration du temps- travail sur l’espace proche et lointain), je suis prête à parier l’enseignant , (forcément ex- bon élève et probablement français depuis plus d’une génération, quoi que les choses bougent un peu, mais ce n’est qu’un frémissement...) l’enseignant donc ne s’est pas douté une seconde qu’il pouvait mettre une famille en difficulté, car pour lui, quand bien même vous seriez nés à l’étranger, quand bien même vous auriez vécu une histoire douloureuse, il est totalement inconcevable que vous puissiez le vivre comme une discrimination et en souffrir encore. Comment le pourrait-il d’ailleurs, n’ayant vraisemblablement jamais eu à expérimenter lui-même cette « hors-normalité » ?

Enfin, je tenais à relever le début de cette phrase cruelle à la fin de l’article : « Toi qui es d’origine étrangère, tu dois être un exemple de sagesse pour les autres enfants ! ».

On l’a aussi servie aux femmes qui ont dû « faire leurs preuves » dans les métiers d’ « hommes ». Les femmes ne pouvaient pas répondre : « mais je suis un homme Monsieur ! », mais certaines ont cru nécessaire de se comporter comme eux pour le faire croire et la majorité reste obligée d’en faire deux fois plus et de faire mieux pour ne pas démériter. Il faudra beaucoup de temps pour que ça change, mais en attendant, ça reste vrai.

Malheureusement, c’est encore aux exclus, aux discriminés, aux victimes d’injustices de refuser de répondre aux provocations, de respecter la loi et de l’utiliser pour que justice leur soit rendue.

C’est un fait, déplorable, mais un fait incontestable : vous vous devez d’être exemplaire ( et apparemment, vous l’avez été jusque là), pour gagner le droit d’être critique, ce que vous faites très bien.

Encore merci, et permettez -moi de vous recommander ce livre : « Je suis comme une truie qui doute » de Claude Duneton, paru en poche. C’est un ouvrage savoureux et très critique qui aide à prendre suffisamment de distance avec l’école en la montrant telle qu’elle est, et à comprendre qu’à elle seule, elle ne peut pas tout.

On peut aider à la changer en y entrant. Votre fille peut-être, un jour ?

Et elle saura réfléchir avant de demander une pièce d’identité à un parent d’élève !

Cordialement.


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