Belle explosion médiatique autour du déploiement de Velib à Velib’, le Velov’ parisien ?
Paris. Il est de bonne guerre de la part des politiques locaux de pousser sur le devant de la scène les quelques initiatives dédiées au désengorgement des grandes villes, à une plus souple mobilité, et aux potentielles retombées positives sur l’environnement...
A Lyon, Velib’ s’appelle Velov’ et s’est depuis quelques années imposé dans le paysage urbain. Et puisque nous y bénéficions d’un peu de recul, je me permets les quelques réflexions suivantes...
La mise en place du système
Un point fort dans le succès du dispositif, que l’on retrouve semble-t-il à Paris comme à Lyon, réside dans la très forte ambition qui a été affichée dans le déploiement des stations. Là où on aurait pu craindre une timide mise en place concernant quelques « sites pilotes », on a en fait assisté à une mise en oeuvre à grande échelle. Très tôt, même avec une quantité initiale de vélos assez réduite, le maillage des stations a permis de tester le système « en grand », sur des déplacements utilitaires quotidiens.
Les vélos
A Lyon, leur look a fait un peu sourire au début (c’est vrai qu’à mon sens ils sont assez vilains). Les Parisiens sont mieux lotis, leur Maire a certainement meilleur goût (Vélib’ est nettement plus classe que Vélov’, dans sa livrée unie métallisée). L’ergonomie du véhicule fera une partie de son succès. A l’exception de son poids (difficile de hisser ces 20 kg sur la Butte Montmartre ou sur les Pentes de la Croix-Rousse), la conception de l’engin et sa praticité semblent avoir emporté l’adhésion : panier à bagage pour Vélov’, protection de la chaîne, des éclaboussures, éclairage, etc.
Vélov’, la ville autrement
Je ne vais pas refaire l’argumentaire municipal ni celui de la société JCDecaux. Ce qu’a apporté Vélov’ à notre ville (entre autres) :
1. La fin de la « voiture obligatoire » pour les déplacements urbains de moyenne distance, et des nuisances correspondantes : encombrements, consommation énergétique, rejets polluants, coût et difficulté de stationnement.
2. Une alternative à la limite horaire du « dernier métro » ou du taxi pour les sorties du soir, bref de la liberté en plus.
Le financement
On peut discuter du pour et du contre pendant des heures. Les arguments de chacun ont leur poids particulier que je ne discuterai pas. En tant qu’utilisateur potentiel et habitant de Lyon, je me bornerai à constater :
1. La mise en place de Vélov’ n’a pas été subordonnée à la levée d’un impôt supplémentaire acquitté par chaque Lyonnais, qu’il soit adepte de la petite reine ou pas. Cela me semble bien.
2. La contrepartie pour JCDecaux. Il parait que le nombre d’espaces publicitaires a augmenté à Lyon. Sûrement (je n’ai pas vérifié, mais on entend tellement souvent cet argument pour critiquer le système, ça doit être vrai). Personnellement, je trouve la qualité du mobilier publicitaire urbain en très forte hausse, et par là même nettement moins agressive.
Voilà tout le bien que je pense de Vélov’, je souhaite à Vélib’ de suire les traces de son grand frère sur les quelques points précédents.
A côté de ces points positifs, on peut légitimement souligner nombre de problèmes soulevés par le brutal déferlement cycliste sur notre agglomération. N’étant ni salarié par JCDecaux ni par la Ville de Lyon, ni partisan de l’aveuglement, je propose de détailler par le menu :
L’infrastructure
Là on a clairement mis la charrue loin devant les boeufs. Quelques milliers de vélos lâchés sur la ville, à grand renfort de communication, sur un réseau d’infrastructure plus que « limite ». Le réseau des pistes cyclables dignes de ce nom correspond à une utilisation « loisir » (berges des fleuves) ; pour le quotidien, on a bon an mal an tracé des « bandes cyclables », mince espace calé entre la voie de circulation automobile et les voitures en stationnement. De nombreuses critiques ont été faites sur de sérieux points noirs de l’aménagement : carrefours impossibles à traverser, tracés extrêmement exposés... Des aberrations que le Grand Lyon corrigera sûrement au fil du temps et au gré des budgets...
La « cyclist way of life »
La deuxième monumentale erreur à mon sens est d’avoir voulu faire croire à tous que chacun pouvait se lancer fièrement dans cet aventure éco-citoyenne, au guidon de son beau vélo rouge. Sans formation, sans mesures de sensibilisation, sans attention aux particularités de ce mode de déplacement. Evidence à rappeler : Vélov’ est un mode déplacement, pas un jeu. Bref, la ville est désormais ouverte à quelques milliers de nouveaux cyclistes totalement inconscients des dangers qu’ils courent ou font courir aux autres. Le Véloviste à Lyon est devenu un danger pour les piétons (circulation dangereuse sur les trottoirs, parfois un mal nécessaire) ainsi que pour les 2RM (deux-roues motorisés) dénué comme lui de carrosserie : traversées d’intersection au mépris de la signalisation, distances de sécurité inexistantes... Le site internet de la Communauté Urbaine dispense bien quelques conseils élémentaires, qui n’auront à mon avis d’autre utilité que de dégager la responsabilité de la ville en cas d’accident grave.
L’accidentologie
Les statistiques sont bonnes, le Grand Lyon se réjouit. La mortalité des cyclistes n’aurait pas ou peu augmenté, piétons idem. Sacrées statistiques... Pour avoir circulé quotidiennement à Lyon à vélo pendant deux ans, à raison de 10 km par jour, il m’a été donné plus d’une fois l’occasion d’être « taquiné » par une voiture, de chuter suite à l’ouverture intempestive d’une portière empiétant sur la « bande cyclable », bref de me retrouver à terre avec le seul bonheur de n’avoir rien de grave... et de ce fait ne pas alimenter les statistiques. Je concluerai en disant que si les chiffres sont bon, les risques sont malgré tout importants.
L’utilisation
Les 4000 (?) Vélov’ en circulation à Lyon sont très majoritairement utilisés par des personnes qui circulaient auparavant en métro, bus ou tramway. L’impact sur la baisse de la circulation est donc nettement discutable. Séduire un public d’automobilistes impliquerait à mon avis la nécessité de corriger les problèmes cités plus haut.
Ma conclusion
A Lyon, ça marche mais avec des réserves... A Paris, JCDecaux et la municipalité ont-elles tenu compte des expériences menées dans les autres villes pour mettre en place un système « corrigé » ? Instinctivement, j’en doute... Automobiliste, motard et cycliste, c’est à vélo que j’ai couru les plus grands dangers en circulant à Lyon. Au-delà de cette belle idée, et en dehors du contexte écolo-citoyen-démago, Vélov’ et Vélib’ restent des expériences effrayantes.
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