Cet article n’apprend pas grand chose qui ne soit déjà archiconnu sur ce sujet.
Informations plus intéressantes dans un article de The Independant paru dans Courrier International (je vous le copie-colle vu qu’il n’est disponible que pour les abonnés :
"Pourquoi cette drogue devient dangereuse
Lucy Farmer avait 14 ans lorsqu’elle a fumé du cannabis pour la première fois. Dans le coin du Buckinghamshire où elle a grandi, il était facile de s’en procurer. “Au début, on ne voit pas le problème, explique-t-elle. Mais on devient parano, léthargique, on n’a plus rien envie de faire.” Puis les choses se sont détériorées. “La paranoïa me rendait agressive avec mes parents et nous avions des engueulades monumentales. J’avais l’impression que tout le monde parlait de moi, se moquait de moi. On voit tout en noir et on est pris dans une spirale descendante. Il y avait des jours où je me réveillais le matin et j’étais incapable d’aller en classe. On ne voit pas l’intérêt et plus rien n’a d’importance. On a la mémoire en bouillie et le cerveau refuse de fonctionner.”
Ce que Lucy fumait, ce n’était pas le cannabis traditionnel introduit massivement par la jeunesse britannique des années 1960. C’était de la skunk, un produit qui, d’après les spécialistes, peut être jusqu’à vingt-cinq fois plus puissant que ce que consommaient les générations précédentes. En cultivant de nouvelles variétés de cannabis sous des lampes à ultraviolets, les producteurs ont réussi à augmenter la teneur en tétrahydrocannabinol (THC), le principe actif à l’origine des effets psychotropes de la plante. Bref, le truc qui fait planer. Mais les sensations d’euphorie et de bien-être peuvent être gâchées par des accès de paranoïa et des pertes de mémoire. Et les adolescents, dont le cerveau est encore en plein développement, sont plus sensibles à un afflux soudain de THC.
Selon les estimations, 1,5 million de Britanniques fument du cannabis extrafort et en consomment de plus en plus. Ils sont aussi de plus en plus nombreux à connaître des problèmes de santé mentale. L’Agence nationale de traitement des usages nocifs (NTA) recense plus de 22 000 usagers en traitement, dont près de la moitié ont moins de 18 ans. Un chiffre à comparer aux 1 660 personnes qui avaient commencé un traitement entre octobre 1996 et mars 1997. En outre, sur l’ensemble de la population consultant pour usage problématique, la proportion de consommateurs de cannabis est passée de 6 % à 12 % ces dix dernières années. Le nombre de patients admis dans les hôpitaux du Service national de santé (NHS) pour troubles psychiques ou comportementaux liés au cannabis a lui aussi fortement augmenté depuis cinq ans, passant de 581 en 2001 à près de 1 000 l’an dernier.
Devant l’ampleur du problème, des médecins, des politiques et des toxicomanes appellent à un changement de position sur le cannabis, surtout depuis qu’une série d’études a établi qu’il était moins nocif que l’alcool et le tabac. Une nouvelle commission indépendante chargée d’évaluer la politique britannique en matière de drogues (UKDPC), mise sur pied en avril dernier, demande également au gouvernement de repenser son approche. “La société a gravement sous-estimé les dangers du cannabis”, affirme le Pr Neil McKeganey, du Centre de recherche sur les abus de drogues à l’université de Glasgow. “Nous sommes face à une génération dévastée par les effets de la consommation de cannabis.”
Aujourd’hui, un joint peut être dix à vingt fois plus chargé en THC que son équivalent dans les années 1970. Il y a dix ans, 11 % seulement du cannabis vendu au Royaume-Uni était produit dans le pays, contre plus de 60 % à l’heure actuelle. Et, si sa teneur en THC a augmenté, son prix, lui, a chuté : il se vend en moyenne à 43 livres l’once [64 euros les 28,35 grammes, soit 2,25 euros le gramme (de 3 à 5 euros le gramme en France)], contre 120 livres en 1994.
Beaucoup de gens s’imaginent que le cannabis est devenu légal
Selon le Pr Robin Murray, de l’Institut de psychiatrie de Londres, un quart des consommateurs sont particulièrement vulnérables, ayant cinq fois plus de risques de développer un trouble psychique s’ils fument du cannabis. “Les personnes que nous voyons en consultation et qui ont entre 20 et 30 ans ont commencé à consommer du cannabis il y a huit-dix ans, explique-t-il. Mais ceux qui commencent aujourd’hui le font avec de la skunk. Le nombre d’usagers n’augmente peut-être pas, mais le produit qu’ils prennent est nettement plus fort. Alors, on se demande si on ne verra pas dans quelques années plus de gens en difficulté.”
Des chercheurs de l’Institut de psychiatrie mènent actuellement une étude portant sur quinze sujets afin de déterminer si le cannabis peut provoquer des psychoses en accroissant la production de dopamine dans le cerveau. Or, un excès de dopamine peut être à l’origine des hallucinations caractéristiques de la schizophrénie. Les premiers résultats montrent que le niveau de dopamine dans le cerveau des patients ayant reçu du THC est plus élevé que chez ceux qui ont reçu un placebo. Mais certains estiment que, si le lien entre cannabis et psychose est avéré, rien ne prouve que l’une soit la conséquence de l’autre.
Selon eux, l’explication la plus plausible est que les individus présentant des symptômes psychiatriques se tourneraient vers la consommation de drogues, dont le cannabis, comme forme d’automédication pour soulager ces symptômes. “Aucune consommation de drogue n’est complètement exempte de risque et pourtant, malgré la propagande anticannabis à la télévision et les informations biaisées données par la presse, le cannabis est et reste de loin la substance la moins nocive du monde”, affirme Michael Linnell, directeur de la communication de l’association d’aide aux toxicomanes Lifeline.
En janvier 2004, suivant les recommandations du Conseil consultatif sur l’abus des drogues, le ministère de l’Intérieur a rétrogradé le cannabis de la catégorie B à C dans le classement des drogues selon leur dangerosité établi par les autorités britanniques. Cela signifiait que la possession de faibles quantités de cannabis cessait d’être un délit. En février 2007, le commissaire Leroy Logan, chargé de l’arrondissement de Hackney, dans l’est de Londres, a estimé que le reclassement de cette drogue avait entraîné un usage “extensif et expansif” chez les jeunes et fait naître une “méfiance paranoïaque” à l’égard de la police et des autres représentants de l’autorité.
La “politique d’arrestations active” menée à Brixton [ce quartier du sud de Londres est connu pour être un supermarché de la drogue] a conduit à plusieurs centaines d’interpellations depuis décembre 2005. La police affirme que le taux de délinquance a baissé de 35 % dans le secteur. Mais un inspecteur, qui a souhaité garder l’anonymat, admet que ses hommes ont du mal à maîtriser la situation : “Beaucoup de gens se figurent que le cannabis est devenu une substance légale, et cela complique beaucoup notre tâche. La skunk est une drogue dangereuse. Cela pose un énorme problème social, et nous avons l’impression d’être un peu comme des médecins qui traiteraient les symptômes.”
Son addiction lui coûtait 100 euros par semaine
Justin Smith, de Brixton, avait 13 ans lorsqu’il a fumé de la skunk pour la première fois. Il s’est mis à sécher les cours et à commettre des vols pour financer son addiction, qui lui coûtait 70 livres [100 euros] par semaine. “Je passais mon temps couché et je ne sortais que pour trouver de quoi acheter de la skunk. Je me suis mis à voler. Ça a duré un an et demi”, raconte-t-il. Agé aujourd’hui de 19 ans, il se souvient du jour où il s’est senti mal après avoir fumé joint sur joint : “J’avais tellement fumé que ça m’a fait vomir. J’ai eu très mal à la tête et je suis resté paralysé pendant plusieurs heures. Il m’est arrivé aussi d’être pris de parano. Dans ces moments-là, je n’arrêtais pas de me retourner pour voir si quelqu’un me suivait. J’ai vu des gens qui avaient fumé de la skunk parler et rire tout seuls dans la rue, comme s’ils étaient fous.” Les conseillers d’un centre local géré par l’association Turning Point l’ont aidé à décrocher, et il suit aujourd’hui des études de gestion. “Ça fait un an que j’ai arrêté, poursuit-il. Ç’a été dur, parce que c’est une drogue addictive, mais ce n’est pas la même addiction qu’avec la cocaïne.”
De nombreux professionnels de la santé mentale demandent que des mesures soient prises. “Nous avons chaque jour de nouvelles preuves du lien entre la consommation de cannabis et la détérioration de la santé mentale”, explique Marjorie Wallace, directrice de l’association Sane. “Il faut dire clairement aux jeunes et à leurs familles, aux enseignants et à la police, qu’il s’agit d’une substance illicite qui s’est avérée être dangereuse pour un grand nombre de gens.” Pour Richard Kramer, directeur de la stratégie à l’association Turning Point, le cannabis n’est qu’un facteur parmi d’autres d’aggravation des troubles mentaux chez des individus déjà vulnérables : “Il faut des campagnes de prévention et d’information claires et ciblées en direction des groupes présentant le plus de risque, en particulier ceux qui sont vulnérables aux problèmes de santé mentale et tous ceux qui travaillent avec eux.”
Aujourd’hui, Lucy a 18 ans et elle travaille d’arrache-pied pour décrocher son baccalauréat. Elle est suivie depuis deux ans par un conseiller de l’association d’aide aux toxicomanes Addaction. Selon elle, ses camarades ne se méfient pas assez du cannabis. “On pense que ce n’est rien, mais ça finit par vous attraper, prévient-elle. Et quand on s’en rend compte, il est trop tard.”
Jonathan Owen, The Independent.
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