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Céline Ertalif Céline Ertalif 1er septembre 2007 01:07

Celui qui ne s’informe pas mais, au contraire, se cultive valorise ses différences plutôt que ses similitudes. Oui, mais la culture fait bien l’objet d’un apprentissage. Pas évident de dénouer cette affaire.

Je me rappelle un jour, il s’agissait d’un débat sur la mise en place de la formation des élus locaux en 1995, alors que j’essayais de souligner les dangers des conférences pontifiantes si nombreuses et si désastreuses dans ce milieu des élus locaux, j’ai entendu un universitaire me contrer en disant qu’il ne voyait pas bien la différence entre formation et information. Pas facile de répondre à cet argument-là.

En fait, il y avait conflit d’intérêts. L’universitaire avait une compétence discutable pour préparer les élus municipaux à leurs responsabilités, mais il avait la puissance, l’aura, conférée par son statut d’universitaire et la capacité à tenir un discours théorique peu contestable devant un grand nombre de personnes. Les interventions du type conférence installaient leur image de prof de fac, et constituaient une activité annexe. Les rares formateurs potentiels avaient des préoccupations radicalement différentes : comment constituer une offre de formation cohérente en phase avec les besoins avérés ou non de ce public particulier ? Personne n’avait d’expérience, et la suite a montré que la formation des élus est une activité difficilement gérable parce que personne ne peut organiser une activité qui fonctionne 18 mois à 2 ans sur un cycle de 6 ans (durée du mandat).

Donc pour revenir au problème de l’information et de la culture, je l’ai un peu déplacé en glissant sur l’opposition entre formation et information. Je pense qu’on reste bien dans la même problématique. Alors oui, il y a bien une question de rapport à l’expérience et à des expérimentations comme le dit Thierry Crouzet à la fin de son article. Mais il y a autre chose que je qualifierais d’intimité.

Un étudiant peut se cultiver dans un amphithéâtre de 1000 auditeurs. S’il a les bases, pas de problème, il intègre. On sait cependant les dégâts de la méthode magistrale du premier cycle universitaire... Pour l’information, c’est pareil : on entend ce qu’on est capable d’écouter !

La question du rythme a aussi son importance : j’aime le calme et la sérénité de France-culture, j’écoute pourtant plus souvent France-Inter, et je ne peux pas supporter l’agitation des Europe1, NRJ et autres... Mais, je sais bien que je ne peux partager avec personne l’écoute de France-culture dans la voiture : rythme insupportable, effet soporifique très rapide chez mon co-voituré...

Il me semble qu’on ne passe dans la formation ou dans la culture qu’avec une certaine intimité. Ce n’est pas forcément une question de nombre, mais bien de proximité avec le texte, le discours ou le thème. Il faut que les conditions de proximité soient suffisantes, et celles-ci dépendent naturellement de l’âge, du nombre, de l’ambiance, et du bagage culturel que chacun de nous trimballe. Difficile, par exemple, de se brancher une heure sur l’Ecole des Annales si on n’a jamais lu ni entendu parler de Braudel.

On ne voit pas assez, à mon avis, ce qui se joue avec le déploiement d’internet dans cette affaire : le sens vient par de nouvelles distanciations et de nouvelles proximités entre les individus. Pour le porno comme pour les blogs ou les forums citoyens. Cela met forcément en cause le rapport de pouvoir dans la diffusion d’information et l’on découvre que la propagande est partout (cela aurait fait un titre plus juste que information=désinformation).

Je veux dire que l’information intéressante ici sur Agoravox est celle qui introduit l’expérience personnelle des auteurs dans les articles. C’est ce regard cultivé sur une facette de la vie publique que des citoyens de divers horizons peuvent apporter parce que cela échappe à la culture des journalistes professionnels. J’ai eu plus d’une fois l’impression que C Revelli faisait fausse route avec ses tentatives de faire du journalisme d’investigation avec des non-professionnels, et ce sentiment ne se dissipe pas.

Les trésors restent enfouis parce qu’ils sont là où on ne les cherche pas. Je ne résiste à la tentation de citer un de auteurs remarquables qui s’est fait une place récemment sur Agoravox : Philippakos. Il illustre parfaitement mon propos, il nous produit d’excellents articles que seul Agoravox est capable de produire parce qu’un type inconnu nous introduit dans ses différences, dans une perception du monde construite et étrangère aux similitudes.

L’information est bien souvent truffée d’autres choses que de ce qu’elle dit explicitement. Les médias sont critiqués à cause de cela, la publicité, l’argent, la propagande sont partout. Sur internet, dans les blogs et sur les forums, on dénonce ainsi l’ego des puissants. Je trouve particulièrement intéressant que l’on voit poindre aussi une réflexion sur l’ego en général au travers des motivations à s’exprimer sur un blog ou des interrogations sur le sens des trolls. On peut espérer que la conscience, l’expérience et l’appartenance à une civilisation très large seront davantage liés dans notre compréhension du monde et nous ferons sortir du pauvre manichéïsme qui réduit notre perception politique à la morale. Ce qui est suicidaire pour une démocratie.


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