• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


Halman Halman 12 septembre 2007 10:49

Moi j’étais au boulot.

Je m’occupais avec mes collègues, de finir de ramener les patients dans leurs chambres après le déjeuner de midi et de commencer les transmissions écrites à la fin du service.

Mais comme il y a toujours des collègues du genre à préférer regarder les clips de M6 et les Feux de l’Amour sur la télé du lieu de vie des patients plutôt que de nous aider, elles ont vu les infos, et paniquées ont couru dans tout le service en nous disant que des avions s’écrasaient sur New York : « C’est la guerre, c’est la guerre, ils vont bombarder toutes les capitales d’Europe rentrez chez vous ! »

Connaissant le genre de ces glandeuses (dans l’hôpital nous utilisons un mot nettement plus vulgaire pour les désigner), on se dit que comme d’habitude elles se la racontent un peu beaucoup et recommencent à faire des histoires délirantes au lieu de bosser, on continue donc nos trans tout à fait relax avec mon infirmière.

Finalement, entendant beaucoup de cris et d’exitation dans tous le service, on se décide à aller voir.

On arrive au lieu de vie, tout le service attroupé, paniqué, mélangé, ça court partout, ça cri des choses incompréhensibles devant la télé ; du chef de service aux agents de ménage, en passant par les médecins, les kinés, les surveillantes, les infirmières.

Même les secrétaires, avaient daigné sortir de leurs bureaux et mettre les pieds dans le service avec les patients, chose miraculeuse que nous avons tous remarqué aussi. Signe indégnable que l’affaire était d’importance pour que les « moi je suis bac+2 » daignent se bouger de derrière leurs ordinateurs et nous adresser enfin la parole.

Et on voit les images des avions dans les tours, les tours qui s’éffondrent, les images en boucle sur toutes les chaines avec des journalistes qui racontent ce qu’ils peuvent.

Moi terrorisé. J’imagine les passagers, les gens dans les tours, les gens sous les tours qui s’écroulent...

Je me dit que toute la chasse est en l’air, mais pour tirer sur quoi, sur des avions de lignes plein de passagers ?

Je me prend la tête, je respire mal, les jambes tremblent, j’ouvre des yeux comme des montgolfières, j’ai chaud, j’ai froid, l’ai la bouche sêche, j’ai soif, envie d’aller aux toilettes...

J’entend des commentaires du genre « c’est la guerre ils vont bombarder la Tour Eiffel ! »

J’entend « Il y a aussi des avions qui arrivent sur Paris ! »

Je dit « pourquoi la Tour Eiffeil, ce serait plutot la Défense, le quartier des affaires. »

J’entend des : « Comment je vais rentrer chez moi si ils nous bombardent il faut que j’aille chercher mes gosses on se barre chez ma soeur en province ! »

Et de fait, des collègues courent au vestiaire et rentrent chez elles presque en supersonique. Toujours celles qui trouvent toujours le moindre prétexte à se barrer avant l’heure je note. Toujours le même groupe qui adore passer ses journées à faires des histoires qui saoulent tout le monde.

Et autres commentaires tantôt rassurants, tantôt indifférents, tantôt paniqués inventant n’importe quoi.

Toujours comme ça dans ces cas là, il faut toujours que les gens se fassent des films et racontent des choses qui ne se sont jamais passées.

Et puis, nous sommes plusieurs à remarquer un léger détail.

Nos collègues d’origine nord africaine, absentes.

On ne percute pas plus que cela, tellement saisis d’horreur.

Au bout d’un moment, on passe devant la pièce spécialement aménagée pour recevoir les familles des patients, et on entend tous des youyous, des cris de haine en arabe...

Pas la peine de faire un dessin, on a tous compris.

Un collègue énervé ouvre la porte et on voit tous les collègues nord africaines prises sur le fait, s’embrassant, sautant de joie, certaines avec des rictus de haine, d’autres rayonnantes de joie...

Depuis, nos collègues nord africaines, le moins que l’on puisse dire c’est que la communication ne se fait plus du tout avec elles.

Une fois tout le monde un peu calmé, nous finissons notre service et dans le bus je regarde les gens, me demandant s’ils sont au courant, comment vont ils réagir en apprenant les nouvelles en arrivant chez eux.

Et je passe la fin de l’après midi et la soirée, comme pratiquement tout le monde à regarder les images en boucles à la télé, passant de la panique, de l’horreur, des larmes à l’épuisement puis, comme beaucoup à la saturation des émotions, plus la moindre réaction, on regarde les images des pompiers comme un film d’horreur à la M6, vidés d’émotions.

Et de commencer vraiment à réaliser le lendemain seulement.

Et la monstruosité qui apparait au grand jour.

Les commentaires des journalistes « C’est le même jour d’infamie que le jour de Pearl Harbour pour les américains ! »

Les interventions de « spécialistes » : « L’Europe et la France ont elles à craindre aussi ces attentats ? »

Ma mère qui m’appelle 20 fois pour me dire « Ils vont te rappeler à l’armée tu vas y aller ! »

Je lui répond qu’avec les problèmes de santé que j’ai c’est impossible et que d’ailleurs je ne fais pas partie des classes qui seront rappelées étant données qu’ils rappellent les plus jeunes et que je suis à la limite d’âge. D’ailleurs 1 mois après, la gendarmerie me convoque pour justement me faire signer un papier comme quoi vu mon âge je ne fais plus partie des classes de réservistes.

Et tout ce genre de choses comme si c’était la guerre. Les anciens nous disant « vous allez en chier comme nous en 40 ! »

N’importe quoi.

Je compris donc une chose, c’est que si une guerre nous tombait dessus comme en 1939, malgré les leçons de l’histoire, les gens réagiraient tous exactement de la même manière qu’en 1939 vu comme ils se sont comportés le 11/9/2001.


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès