@ l’auteur
Ces publicités s’adressent à nos instincts les plus basiques afin de nous éviter une analyse consciente de la réalité de nos besoins. La pyramide de Maslow est très utilisée en publicité. Chaque visuel renvoie à l’un ou à plusieurs de ses niveaux.
En cela le monde publicitaire est confronté à une double contrainte.
La première, basique, consiste à créer une complicité, une duplicité, avec le public.
La seconde, plus insidieuse, calculée, est de répondre à la culture des annonceurs. Lorsque celui-ci est le chocolatier du coin ou une entreprise ne s’adressant qu’à une clientèle professionnelle, cette réponse est le plus souvent anodine. Il n’y a pas d’enjeux sociaux derrière.
Tout autre est la publicité émise par les grands groupes industriels s’adressant à l’ensemble de la population. À leur niveau, ils sont parfaitement conscients de leur capacité à contraindre celle-ci à un comportement captif envers le système de production dont profite une petite minorité et qui se cache derrière la notion d’ultra libéralisme. Ce système n’a d’autres moyens de croissance que l’appropriation ininterrompue des ressources de l’individu.
Je comprends très bien la réaction quasi-réflexe de beaucoup contre votre analyse. L’identité culturelle de l’émetteur sous-tend toute communication. Par métaphore, on pourrait évoquer des tenseurs mécaniquement solidaires du système auquel se réfère l’annonceur. Les annonces auprès du grand public n’échappent pas à la règle. Les annonceurs sont tributaires du système financier auquel appartient leur donneur d’ordres. Ils ne peuvent s’affranchir de ses codes. Ils ne le désirent pas non plus puisqu’ils ont recopié leur mode de fonctionnement afin de réduire voire de supprimer tout apprentissage des codes des annonceurs. Ils les possèdent dorénavant en interne. Les tenseurs évoqués plus haut sont l’hédonisme, la loi du plus fort, la mesure de l’appartenance de l’individu au système social par sa seule capacité à développer des excédents financiers. Autant de comportements mettant en péril la cohésion sociale. En démontant les mécanismes de l’annonce, vous mettez à jour la structure d’un machiavélisme inacceptable inhérent au modèle social qui est le nôtre.
On ne peut demander aux destinataires de ces messages qui profitent le plus souvent avec honnêteté du système d’en remettre en cause la légitimité sans qu’ils ressentent avoir été bernés ou s’en être rendu complice. À cet effort d’analyse s’ajoute l’effondrement de perspectives déjà tracées pour l’avenir. C’est beaucoup exiger. Porter le débat sur ce plan serait déjà en reconnaître la réalité. Comme toujours dans ce cas, la critique s’oriente vers l’identité sociale. « Cher Monsieur, vous êtes un zôtre ».
L’imbécilisation croissante des programmes de télévision, la part grandissante de la pipolisation dans les informations quotidiennes, l’affligeante diminution de la qualité de l’enseignement (mon livre d’histoire de 4e serait aujourd’hui un ouvrage de niveau DUG) participent à un même objectif parfaitement identifié : refuser l’accès de la population aux moyens intellectuels, spirituels et moraux nécessaires à l’élaboration du libre-arbitre de chacun.
La sécurité à laquelle aspire tout individu s’obtient par le partage d’une rigueur morale et comportementale librement consentie qui s’exprime à travers l’élaboration des codes sociaux. Elle nécessite un esprit critique vis-à-vis de ces codes sociaux afin que chaque citoyen puisse en dénoncer les dérives.
L’économie purement fiduciaire dans laquelle nous nous enfonçons n’a tout simplement pas les moyens financiers de prendre en compte cette capacité naturelle de l’homme de s’inscrire sciemment et généreusement dans une démarche de construction commune des codes sociaux. Il faudrait pour cela une redistribution des responsabilités, donc des produits du travail (je vais vite). Il est beaucoup plus facile et plus sûr de les fabriquer. De plus, l’appropriation par une minorité de la capacité de production de chaque individu constitue le premier danger auquel s’expose une collectivité puisque ce comportement dénie la capacité de l’individu à juger par lui-même la pertinence de sa contribution au bien commun au regard des codes établis et partagés (en cela, comme vous le voyez, je ne suis pas marxiste !). Anéantir le libre-arbitre est une question de survie pour le système.
La publicité n’est que la phase visible d’un programme global beaucoup plus large d’esclavagisation dont le déroulement s’opère sous nos yeux sans qu’on y prenne garde.
La biographie d’Orwell et ses relations avec les maîtres à penser de ce programme est à ce titre tout à fait révélatrice. 1984 n’est pas une fiction, mais le témoignage d’un programme d’action sociale qui s’accomplit jour après jour.
Cordialement,
Renaud Delaporte
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération