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beubeuh 26 février 2008 13:43

@ armand & stradiuvarius

Je me permet d’intervenir dans votre petit débat sur Chypre pour y apporter quelques précisions :

Effectivement, l’invasion turque du Nord de Chypre a été décidée en réaction à un coup de force nationaliste contre le gouvernement légitime de l’île (mais dont étaient déjà exclus les Chypriotes turcs), coup de force téléguidé depuis Athènes, où la clique des "colonels" tenait le pouvoir. Mais l’armée turque avait planifié l’opération depuis longtemps et n’attendait que le feu vert du premier ministre d’alors, Bülent Ecevit. La décision de ce dernier d’intervenir fut facilité par l’attitude très permissive des Etats-Unis, hostiles au Président légitime Chypriote grec Makarios, et par ailleurs paralysés diplomatiquement par le Watergate.

Reste que la junte d’Athènes et celle de Nicosie ne résistèrent que quelques jours au choc créé par l’opération "Attila" (sic) déclanchée par les Turcs, et furent renversée par des soulèvements populaires. Alors que la Constitution chypriote (reconnue par la Turquie, qui en était l’une des "puissances garantes") était rétablie et Makarios à nouveau investi dans ses fonctions, l’armée turque ne maîtrisait que quelques enclaves autour de ses points de débarquement. Elle continua néanmoins ses opérations en violation des injonctions de la communauté internationale (injonctions de pures formes et non coercitives, cependant), et un certain nombre d’exactions, terrorisant la population grecque qui se mit à fuir, lui permirent de "purifier ethniquement" 40% de la superficie de l’île. Il faut ici souligner que cette purification ethnique était considérée comme nécéssaire par de nombreux Chypriotes turcs car des projets concrets de purification ethnique dans l’autre sens étaient élaborés depuis une dizaine d’années par les nationalistes Chypriotes grecs (l’EOKA B et son "plan Akritas"), et les Chypriotes turcs eux-même étaient parqués dans de petites enclaves aux entrées contrôlées par les casques bleus.

Quoi qu’il en soit, il est clair que dans cet affaire la Turquie a largement outrepassé les limites qui aurait pu lui permettre de donner un caractère légal sur le plan du droit international à son intervention. L’enlisement dans lequel elle a délibéremment maintenu le conflit pendant près de 30 ans ne plaide pas non plus en faveur d’une reconnaissance de droit de la RTCN. Bref, la question chypriote est un pur produit de la "realpolitik" des années 70 que l’on tente aujourd’hui de résoudre dans un cadre normé. La quadrature du cercle, donc.

Concernant le rejet du plan Annan par les Chypriotes grecs en 2004, il est extrêmement regrettable mais il faut souligner que ce plan avait été modifié 5 fois à la demande de la partie Chypriote turque, ce que les nationalistes Chypriotes grecs eurent beau jeu de rappeler. De plus le dirigeant Chypriote turc (Denktash) de l’époque était celui même qui avait précipité le conflit ethnique dans les années 60 et inspirait une grande défiance aux Chypriotes grecs. Aujourd’hui cet homme a été contraint à la retraite politique et son successeur bénéficie d’un bien meilleur crédit. D’une manière générale, il est clair qu’une reconnaissance inconditionnelle de la RTCN par l’UE serait un obstacle majeur pour une réunification équilibrée : la Turquie bénéficiant incontestablement de la domination militaire sur le terrain, la partie Chypriote grecque n’a que le droit international à mettre en avant dans les négociations.

Enfin, l’existence de pratiques douteuses sinon mafieuses est avéré de part et d’autre de la "ligne verte". Il n’y a qu’à voir le nombre de "casinos" dans le Nord de l’île pour constater qu’il s’agit manifestment d’un territoire privilégié pour le blanchiment d’argent sale. L’ouverture, en 2003, de la ligne verte à la circulation des personnes a également fait de Chypre un lieu important pour les filières d’immigration clandestine. Côté Sud, on notera le nombre impressionant de "Cabarets" et autres "Night Clubs" ou "travaillent" Ukrainiennes et Biélorusses, en attente d’un visa pour l’UE. Le manque de transparence du secteur bancaire et la corruption y sont également des problèmes persistants. Il semble cependant que l’entrée dans l’UE ait donné lieu à un certain assainissement du secteur bancaire offshore et des règles d’immatriculation des navires. Mais tout porte à croire qu’à Chypre la criminalité se moque pas mal des frontières. Quoi qu’il en soit, la division de Chypre reste un obstacle majeur à l’action policière.


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