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S2ndreal 27 mai 2008 11:19

Je suis surpris, sidéré et même effrayé par ce que vous écrivez de "L’école des ego". J’ignorais que cette vision de la réalité s’enseignait si tôt dans la vie. À cet âge, l’effet de cette méthode d’enseignement est celui que vous avez décrit. L’enfant va se prendre comme le critère ultime du vrai et du faux et totalement négliger l’autre comme une source de référence. L’esprit critique développé ici est celui d’un esprit isolé dans un univers sans vérité externe et étant très souvent hors de portée, donc faux. La mise en doute systématique et naturelle s’ensuit automatiquement. C’est totalement kantien (dans la version que je connais). Le relativisme, l’égoïsme, l’individualisme deviennent des attitudes tout à fait naturelles, logiques, évidentes. La vérité ne vaut plus la peine d’être défendue ou proclamée. Elle n’est ni objective, ni même accessible en supposant qu’elle existe encore. La perte de sens du monde moderne n’est pas loin de cette idée. Je vous rejoins ici sur l’individu sans références. Il donne le monde moderne sans sens.

Cela m’apparait comme le prix à payer de la mise en avant de l’expérience personnelle. Elle rend l’information "prouvable", car vécue sur un écran, devant laquelle l’enfant, puis l’adulte est totalement désarmé car supposée absolue, indiscutable et objective. Toutes les autres informations cessent d’exister ou sont rejetées. Cela donne beaucoup de poids à l’idée de société spectacle, de la suprématie du paraître sur l’être. L’individu n’a plus accès qu’au paraître, au spectable. Le reste a disparu.

Mes connaissances en psychanalyse sont très limitées pour ne pas dire inexistantes. Ce que je comprends de l’idée, que chaque comportement implique un souhait inverse dans l’inconscient, efface toute possibilité qu’un individu puisse en accepter un autre comme référence. Les mots confiance, respect réciproque se vident de toute substance. Dire la vérité devient impossible. Avec cette idée, transmettre un savoir par la rencontre avec une autre personne est impossible. Accumuler du savoir et le transmettre est également impossible. La contradiction contenue dans chaque comportement annule son sens. Je ne saisis pas du tout la logique sous-jacente à cette idée. Elle explique des phénomènes que j’ai observé. Je l’accepte donc comme vraie.

Les statistiques, dans cette vision du monde, prennent une connotation très positive. Elles sont une accumulation d’expériences personnelles. Elles sont un empilement d’opinions obtenues par un grand nombre de personnes différentes. Elles restent totalement dans le cadre du paraître, de l’expérience personnelle. Elles ne présupposent aucun sens particulier à aucune réponse et les acceptent toutes. Elles vont même plus loin. Elles se posent en dépassement des expériences particulières. Elles se posent en mise en place de la réalité vécue en acceptant le relativisme des individus. La certitude absolue n’est pas écrite dans les statistiques. Au contraire, le relativisme des opinions est protégé. Elles épargnent donc la difficile rencontre avec un être différent, un autre. Elles transforment une évolution personnelle en calcul réalisable par ordinateur. Une forme de transcendance protégeant la vision relativiste et individualiste de la réalité est introduite.

Finalement, l’individu se retrouve en position de toute puissance face à la réalité. C’est lui qui contrôle et décide de l’évolution de la réalité. N’étant pas engagé par le calcul, il décide ou non de le suivre. S’il le suit, il entre dans un moule extrêmement rigide car mathématique. Toute issue, variante ou ajout à ce moule est impossible. Il est transcendant à l’individu, le dépasse tout en lui laissant le choix d’y adhérer ou pas. Vu la connotation très positive de ce moule, il n’a pas le choix, juste l’impression de rester libre. Ce moule lui donne même l’impression de dépasser totalement la moyenne des gens et de les dominer. Le choix d’y entrer ou non est encore plus restreint. Mon impression de conformisme ambiant a un sens.

La "transcendance" du moule redonne à chaque assoiffé de sens et de vérité un ersatz de sens et de vérité. N’étant pas étanchée, cette soif met en branle une agitation faisant aller de plus en plus vite vers d’autres études. La douleur de cette soif pourrait aussi expliquer pourquoi toute alternative aux statistiques, à l’agitation, au spectacle est condamnée, ridiculisée, rabaissée et humiliée. Ce serait une forme de mort de soif, mort très douloureuse. Je vous rejoins sur l’idée de surinvestissement des statistiques dans les sciences humaines.
 

Je vous remercie de m’avoir apporté l’occasion de réfléchir à ces questions qui me passionnent. Je vous remercie de m’avoir montré qu’il existe au moins une personne en dehors de moi qui apprécie l’existence de l’autre. Je vous remercie de m’avoir apporté plusieur idées très fécondes à ma réflexion.


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