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En réponse à :


Achéron 9 juillet 2008 08:43
Cei est ; en partie, le post que j’avais écris dans l’article  "Carcassonne : quand l’armée française tire sur la foule" envoyé le 3 juillet 2008 à 14H01 en réponse à Cambronne à propos de cet article de Mr Rakotoarison. Je vais en profiter pour l’afiner...

"En tant qu’ancien militaire, Sous-Officier munitionnaire de mon unité puis Instructeur de Tir de mon régiment je vais me permettre d’apporter quelques précisions, tant m’indisposent les commentaires et les supputations des uns et des autres. Qu’ils soient journalistes ou non et n’ayant probablement, pour une majorité d’entre-eux, jamais tenu cette arme dans leurs mains de leur vie, leur acharnement à tirer des hypothèses scabreuses à partir de données techniques qu’ils ont raccolées de gauche et de droite afin d’en faire des commentaires sans queue ni tête afin de s’autoriser à dire tout et surtout n’importe quoi à le don de m’exaspérer.

plusieurs précisions donc ...

Le BTB n’empêche en rien le tir de munition réelles : il ne s’agit pas d’une sécurité (dispositif intégré à l’arme, sur lequel l’action de l’homme est impossible, pour empêcher le tir en cas de mauvaise manipulation ou de mauvais fonctionnement de l’arme), ni d’une sûreté (dispositif actionné par l’homme afin de neutraliser le tir). Le BTB est fixé sur le manchon cache-famme de l’arme par une tige enfoncée dans le canon, vissée dans le corps du BTB qui vient prendre appuis sur la partie arrière du cache flamme afin de le maintenir en position. Ce même cache-flamme est maintenu, quant à lui, par un simple pas-de-vis taraudé sur le fût du canon sur à peu près 1.5 à 2 cm (de mémoire). ce qui amoindrit la solidité du canon à cet endroit (fatalement puiqu’il y a moins de métal...CQFD). Ce BTB sert à faire fonctionner le système de réarmement par emprunt de gaz dont est équipé le FAMAS, système inopérant avec des munitions à blanc contenant moins de poudre, et dont le seul but est de produire une détonation. Cette munition reste dangereuse en dessous d’une portée de 3 m (effet de souffle + résidus de poudre en combustion).

CE QUI SE PASSE EN CAS DE TIR AVAC UN BTB  : Si une munition de type "guerre" est mise à feu, le projectile vient heurter la tige filetée en acier du BTB qui mesure environ 8cm. Un point de rupture se produit donc au niveau de la base du pas de vis du cache flamme qui retient lui-même le BTB : le canon casse net et le projectile projette le BTB à quelques mètres,. Cette "fragilité" du canon permet de protéger le tireur de l’explosion de son canon, en cas d’obstruction involontaire (caillou, bouchon de boue, etc.). La suite est logique : plus d’obstruction du canon, donc le tir se poursuit normalement (si on est en rafale), un peu comme avec un fusil à pompe avec un canon scié... avec les mêmes répercussions sur la balistique (plus de dispersion des balles suivantes, conjugué à l’effet naturel de dispersion dû aux rampes hélicoïdales participant à la mise rotation de la munition, contribuant à l’augmentation de sa vélocité, à l’accroissement de son pouvoir de perforation et à la diminution de la flêche de sa courbe de trajectoire). Ce type d’incident arrive "fréquemment" dans les unités de combat (j’en ai été le témoin) notamment lors des exercices de tir de nuits inclus dans des périodes de "Drill" terrain de plusieurs jours : la fatigue aidant, l’attention des cadres peut se relâcher et l’inspection des armes réglementaire avant tout tir et obligatoire après chaque séance (voire à chaque montée/descente de l’arme sur le pas de tir) être "bâclée", ce qui n’est pas pour autant une excuse...

EN CE QUI CONCERNE LES MUNITIONS DE GUERRE NON REVERSEES  : Hier soir dans l’émission "C’est dans l’air" sur ARTE, il a été dit par l’un des intervenants miltaires d’un des reportages que le munitionnaire de l’unité élémentaire (la compagnie, pour les néophytes) responsable de leur distribution au pas de tir à droit à un taux de perte des étuis (le terme douille est réservé aux munitions d’un calibre supérieur à 20mm, soit dit en passant, mais là je pinaille...) de 4/1000. Exact. mais ce taux monte à 10/1000 en cas de tir sur "stand" ouvert (comprendre : en pleine nature)... ce qui inclus de tirer dans des conditons parfois exécrables : boue/neige/sable... où retrouver TOUS les étuis devient parfois une gageure. Ce qui nous amène généralement, enfin quand je dis nous je devrais plutôt dire le sous officier munitionnaire, à adopter un "système D" (baptisé le "French System" par non amis anglo-saxons, ça veut tout dire...) regrettable mais tout -à-fait compréhensible : plutôt que de passer 3 heures (au sens propre du terme) à râtisser la zône de tir (impératifs horaires oblige) et sachant que les munitions tirées en stand "couvert" sont généralement retrouvées à 100%, le Sous-Off TAM (Tir-Armement-Munitions) prélève lors des séances de tir en stand lourd les fameux 4/1000 jusqu’à ce constituer un petit stock de munitions "de secours", qu’il suffira de faire tirer ultérieurement pour "avoir le compte" en cas de dépassement des quotas de perte... Pourquoi ne pas ce contenter de prendre des étuis de munitions déjà tirées, me direz-vous à juste raison ? Parce qu’il est notoire dans toutes les unités de combats (dans toutes celles que j’ai fréquentées en tous cas...) que certains se constituent généralement des "chargeurs de sécurité", "pour le cas où"... Je l’ai vu faire à maintes reprises. "

Il est extrêmement simple de subtiliser des munitions de guerre sur un pas de tir, malgré toute l’attention dont peuvent faire preuve le sous-officier munitionnaire, responsable de la distribution de ces munitions, et du directeur de tir, officier ou sous-officier titulaire du Brevet Supérieur de Technicien de l’Armée de Terre (nouvelle mouture du Brevet Militaire Professionnel du 2e degré (BMP2) pour les plus anciens qui nous lisent).

Je pense qu’il peut être utile de décrire aux néophytes le déroulement d’une séance de tir, afin que ceux ayant des doutes persistants puissent, à l’issue, me poser toutes les questions qu’ils voudront bien me poser, et auxquelles je répondrai sans tabou...

temps 1 : le munitionnaire va percevoir les munitions de tir auprès de l’officier munitionnaire du régiment, dans la soute centralisée sous alarme avec sas de sécurité... Il lui est remis la quantité de munitions dont il a fait la demande, en conformité avec une activité de tir planifiée et enregistrée par le BOI (Bureau Opérations et Instruction) du régiment, en échange de sa signature sur le bon de perception...

Temps 2 : le munitionnaire rejoint la section au "pas de tir", et pendant que celle-ci reste en arrière, le munitionnaire assisté par un à plusieurs "adjoints", "graille" (approvisionne) les chargeurs vides. Ceux-ci sont soit en caisses conditionnées et perçu à l’armurerie en même temps que les armes (rappelons que les armes et les munitions ne sont jamais stockées au même endroit pour des raisons de sécurité évidentes...) soit "récoltés" parmis les chargeurs faisant partie du paquetage de chaque homme composant la section qui arrive au tir. les chargeurs sont graillés avec l’exacte quantité nécessaire à l’exercice, pas une de plus ni de moins...

Temps 3 : la section est scindée en "séries de tir" en fonction du nombre de postes (places) de tir disponible (de 4 en stand couvert jusqu’à 30 en stand découvert). chaque série passe au pas de tir l’une après l’autre... si chaque homme tire avec son arme celle ci est inspectée par le Directeur de Tir avant et après le tir de la série en cours... puis chaque arme est de nouveau inspectée en fin de séance de tir. Si les armes sont les mêmes pour toute la section seule l’inspection avant et après la séance sont effectuées. Nota (mais qui a sont importance) : chaque homme est responsable de l’inspection initiale avant le tir pour l’arme et des chargeurs dont il est responsable => Ce qui, en d’autres terme veut dire que pour l’incident de Carcassonne, le Sergent incriminé est, au yeux du manuel de référence de l’instruction sur le tir, doublement mais seul coupable, d’une part en tant que responsable de son arme, d’autre part en tant que munitionnaire de l’unité...il n’y a pas de directeur de tir responsable lors de ce genre de séance d’entraînement "à blanc" => Le responsable devient celui qui a planifié et encadré cette séance, selon le vieil axiome militaire q’on m’a maintes fois rabâché et qui dit "non coupable mais responsable..."

temps 4 : toutes les séries sont passées, on effectue alors le ramassage des étuis des cartouches : c’est à ce moment que les "disparitions "sont constatées mais ce qui ne veut pas dire que c’est uniquement à ce moment qu’elles peuvent se produire... Ces "pertes" (rappel : 4/1000 en stand couvert, 10/1000 en découvert) peuvent en effet se produire à chaque série, si le tireur décide pour raison que lui seul connait de subtiliser une à plusieur cartouches (une seule par série en général sinon cela devient trop voyant...) qui passeront sur le taux de perte.... si ce taux de perte est supérieur au taux toléré, le munitionnaire "recomplète" (cf. supra la méthode employée) le nombre manquant jusqu’à arriver au quotas acceptable...

Ce qui signifie qu’en très peut de temps (moins d’un an) chaque homme peut potentiellement se retrouver en possession d’un chargeur de munitions de guerre sans que personne ne s’en apperçoive... puisqu’on ne fouille pas les tireurs en fin de séance de tir (nota importante : chaque homme, au moment de ses "classes" signe un engagement sur l’honneur à ne pas se livrer au détournement de munitions réelles ou à blanc...)... c’est là la faiblesse du système...

temps 5 : le munitionnaire part reverser les étuis vides à la soute principale du régiment, ces étuis sont soit comptés (remis sur barettes chargeur de 10) soit pesées dans le cas des trops grandes quantités (autre possibilité de "gruge" à ce moment là...) et donne le reçu indiquant le nombre de munitions tirées et le nombre de celles non-consommées et reversées en soute, reçu contre signé par le commandant de l’unité (capitaine) dont la section de tir est issue...

Comme on le voit, les possibilités et les causes de détournement de munitions existent et sont nombreuses... Nombres de cadres des unités de combat préfèrent se voiler la face sur un phénomène connu de tous et qui a TOUJOURS existé, même si les bavures restent extrêment rares...

Maintenant en ce qui concerne le mélange des munitions "réelles" et "à blanc" l’explication est aussi dramatiquement simple que stupide : ce fameux "chargeur de sécurité" (cf. supra) reste généralement "à demeure" dans l’équipement des hommes qui se le sont constitué... Les équipements dont sont dotés l’armée française prévoient un emplacement pour "6" chargeurs, que se soient les équipements FAMAS ancienne génération ou les "gilets de combat" en dotation depuis peu...

Une personne disposant d’un chargeur illicite "de sécurité" dispose dont d’un chargeur plein et de 5 vides... hors la démonstration de la JPO de Carcassonne (Journée Portes Ouvertes) comprenait "6" exercices basés sur le "Drill" (méthode anglaise prônant la répétition d’une action simple ou d’actiions combinées jusqu’à ce que celle-ci devienne un automatisme).

Ce que j’en déduit :

Ce sergent, munitionnaire, possédait un de ces fameux chargeurs pleins, et a réparti les munitions à blanc sur les 5 autres chargeurs vides disponibles, mais dans le feu de l’action (si j’ose dire)combiné à l’automatisation de ces gestes, il a enchaîné les 6 chargeurs (1 par répétition) ce qui à abouti au drame...

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout pour ceux qui l’auront fait... mais il me semble que cela éclaire pas mal de zones d’ombres sur lesquelles se livrent pas mal de supputations plus ou moins vaseuses...

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